22 novembre 2024
5 mars 2019
La loi du 10 septembre 2018 « pour une immigration maitrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » a réformé les missions des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile financés par le service de l’asile du ministère de l’intérieur (CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile, HUDA, CAO, At-SA) pour « assurer une uniformisation progressive des conditions de prise en charge dans ces structures ».
Les cahiers des charges des hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) et des CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile viennent d’être publiés. Un certain nombre de prestations disparaissent dans le cahier des charges sur les CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile (notamment sur la règlementation des établissements sociaux et médicaux sociaux) mais le ministère de l’intérieur devrait renvoyer à un « vadémécum », sans valeur réglementaire, qui sera prochainement publié et qui devrait reprendre ces éléments.
Face à la multiplication des lieux d’hébergement pour demandeur d’asile depuis 2015, le législateur a souhaité clarifier les missions de ces dispositifs en assurant des « normes minimales en matière d’accompagnement social et administratif », ceci dans l’objectif d’assurer une meilleure égalité entre les demandeurs d’asile pris en charge au sein de ces hébergements.
Le décret du 14 décembre 2018 a listé les différentes prestations des lieux d’accueil pour demandeurs d’asile qui devait s’appliquer depuis le 1er janvier 2019.
Ces prestations comprennent donc notamment la domiciliation, l’information sur la procédure d’asile et l’accompagnement dans les démarches administratives liées à l’asile, l’information sur les soins de santé, l’accompagnement dans les démarches d’ouverture des droits sociaux, pour la scolarisation des enfants ainsi que la préparation et l’organisation de la sortie du lieu d’hébergement.
Deux arrêtés concernant les CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile et les HUDA viennent donc d’être publiés pour préciser la mise en œuvre de ces prestations dans lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile.
Le cahier des charges des CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile remplace donc celui précédemment défini par l’arrêté du 29 octobre 2015. Jusque-là, les HUDA ne disposaient pas de documents cadre national précisant leurs missions.
Les deux cahiers des charges ont pour objectifs de clarifier les prestations assurées au sein des HUDA pour les calquer le plus possible sur celles qui sont proposées en CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile.
Ainsi, les HUDA et les CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile voient leurs missions sensiblement uniformisés.
Ces deux dispositifs doivent assurer :
Les cahiers des charges viennent préciser certaines prestations :
L’actualisation des précédents modèles type de contrat de séjour et de règlement de fonctionnement ne sont pas publiés. Le ministère devrait renvoyer à un Vaddemeccum qui reprendrait les dispositions absentes du cahier des charges. Aucune information à ce jour sur la date de la publication des contrats- types. Les modèles précédents sont donc caducs.
A travers la mise en place de ces cahiers des charges, les missions des CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile et HUDA se rapprochent. On note cependant certaines spécificités pour les CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile qui pourraient justifier un cout majoré par rapport aux HUDA (cout cible de 19.50€ par jour et par personne en CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile, contre un coût cible national de 16,25 € par jour et par personne pour les HUDA pour 2019 (sauf idf et création).
Ce qui disparait du précédent cahier des charges :
Pour reprendre l’ensemble de ces dispositions, la direction générale des étrangers en France (DGEF) renvoie à un « vadémécum » non encore publié, qui n’aura pas de valeur réglementaire. Bien que certaines des dispositions de la loi du 2 janvier 2002 s’appliquent toujours aux CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile, l’absence de mention dans un cahier des charges national risque, une nouvelle fois, d’affaiblir le modèle et de se réaliser au détriment de la qualité de l’accompagnement au sens du code de l’action sociale et des familles.
De manière générale, les précisions quant à ce que recoupe exactement l’accompagnement des demandeurs d’asile reste moins détaillé pour les HUDA (sauf concernant l’hébergement des demandeurs d’asile placés sous procédure DUBLIN)
Bien que les missions se rejoignent, on peut noter cependant de réelles différences entre les deux dispositifs, notamment :
a. Hébergement des demandeurs d’asile placés sous procédure DUBLIN pensé comme un lieu de contrôle pour les demandeurs d’asile en contradiction avec les missions du travail social
Bien que le cahier des charges précise les missions d’accompagnement des personnes dans leurs démarches administratives et juridiques ainsi que leur accompagnement sanitaire et social, les HUDA sont spécialisés pour l’hébergement du public Dublin.
Dans ce cadre, les missions spécifiques sont assignées aux HUDA qui relèvent plus de missions d’exécution de pouvoir de police que de missions de travail social.
A côté des rôles nécessaires d’information sur la procédure, il est prévu notamment que les HUDA :
– « Délivrent tout courriers ou document relatifs à la procédure Dublin, notamment des convocations et bons de transport ».
– « Permettent l’intervention des forces de l’ordre au sein des parties communes ».
Par ailleurs, il est également prévu que les gestionnaires doivent en quelque sorte « promouvoir » la procédure Dublin en rappelant la nécessité de coopérer pour les personnes, notamment dans le cadre du respect de l’assignation à résidence et d’assurer le point de contact avec la préfecture pour l’organisation du transfert.
Ces missions entrent en contradiction avec les missions de travail social telles que définies par la loi. Le travail social, tel que défini par l’article D142-1-1 CASF a pour objectif « l’accès des personnes à l’ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté […]Il s’appuie sur des principes éthiques et déontologiques, […]et les savoirs issus de l’expérience des personnes bénéficiant d’un accompagnement social, celles-ci étant associées à la construction des réponses à leurs besoins ». Ainsi, c’est dans le strict respect de ces principes que les gestionnaires d’hébergement doivent pouvoir accompagner les personnes, sans confusion des rôles de police et d’intervention sociale. Les associations doivent pouvoir accueillir les demandeurs d’asile placés sous procédure Dublin mais ne peuvent jouer un rôle actif dans l’organisation du transfert de la personne, tout spécifiquement lorsque les personnes ne souhaitent pas repartir vers le pays responsable de la demande d’asile.
La FASFASFédération des acteurs de la solidarité regrette que ce cahier des charges apporte encore une nouvelle confusion des rôles des associations et des services de l’Etat dans le contrôle des demandeurs d’asile placés sous procédure DUBLIN. Ceci est d’autant plus préjudiciable pour les demandeurs d’asile particulièrement vulnérables, victimes de traites des êtres humain par exemple, pour qui le dispositif n’est pas adapté pour garantir leur protection (notamment sur les procédures de sorties et les mesures de contrôle dans le cadre de la procédure DUBLIN…).
Pour rappel, concernant l’intervention des forces de l’ordre, le gestionnaire reste libre d’autoriser ou non l’administration à intervenir dans les parties communes de l’HUDA. Ce document ne peut venir justifier des pratiques qui ne s’appuient sur aucun fondement légal.
Par ailleurs, l’accès aux parties privatives peut être autorisé dans le cadre stricte des visites domiciliaires lorsque l’étranger n’aura pas respecté sa mesure d’assignation à résidence. Dans ce cadre, « l’autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l’autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu’ils visitent le domicile de l’étranger afin de s’assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n’est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention » (Article L561-2 II CESEDACESEDACode de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) . Cette procédure se réalise avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention, sans nécessairement exiger l’accord de la personne.
b. Une remise en cause du travail social en CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile
De manière générale, le modèle CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile se réduit peu à peu pour s’éloigner de ce qui le définit comme établissement social relevant du code de l’action sociale et des familles (CASF).
En effet, non seulement un grand nombre de dispositions du CASF sont éludées du cahier des charges (rappel du principe de l’autorisation, des appels à projets, des outils de programmation…) mais la référence aux droits des personnes et l’ensemble des outils de la loi du 2 janvier 2002, tels qu’ils étaient rappelé dans le précédents cahier des charges, disparait du document cadre.
Ainsi, plus aucune référence à un contrat de séjour, règlement de fonctionnement ainsi qu’à l’ensemble des obligations en termes de participation des personnes et de la garantie de leur droit au sein d’un établissement social n’est rappelé (livret d’accueil, projet d’établissement, charte des droits et libertés de la personne accueillie…).
De la même manière, la professionnalisation des intervenants sociaux disparait du cahier des charges des CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile et n’est pas précisé dans celui de l’HUDA. Cette absence est problématique car elle assurait que les missions de travail social étaient garanties au sein des CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile, assurées par des professionnels diplômés du travail social. L’évolution d’un cahier des charges vers des missions d’accompagnement juridique et de droit au séjour, qui restent essentielles, risque ainsi de transformer progressivement les missions de ce dispositif.
On regrette également une confusion entre les missions d’accompagnement et d’information au sein des deux dispositifs.
En termes de secret professionnel, le cahier des charges prévoit notamment que « Le gestionnaire du centre d’accueil pour demandeurs d’asile informe le préfet en cas de risque d’atteinte à l’ordre public et le procureur en cas de toute infraction pénale ». Cette disposition porte une nouvelle confusion dans le rôle attribué aux travailleurs sociaux qui n’est pas d’assurer des missions de police.
Les CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile sont des établissements sociaux relevant du code de l’action sociale et des familles CASF, l’ensemble des droits des personnes et des obligations tirées de ce statut d’ESMS doit être garanti par le gestionnaire. Si ces références ne sont plus rappelées dans le cahier des charges, l’établissement est tenu de répondre à ces obligations vis-à-vis des personnes accueillies et également des autorités dans le cadre d’un contrôle et des règles relatives aux évaluations
c. L’absence de compensations financières pour les nouvelles prestations attendues
L’évolution de l’accompagnement en CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile et en HUDA est aujourd’hui réalisée à coût constant. Ainsi, le coût cible journalier en CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile est toujours fixé en 2019 à 19.50€ et celui de l’HUDA à un coût national cible de 16,25€ (sauf idf et création).
La FASFASFédération des acteurs de la solidarité se félicite que les prestations d’accompagnement en hébergement d’urgence fassent enfin l’objet d’une clarification, mais regrette cependant que les coûts associés ne soient pas réellement pris en compte. Ainsi, si le fond de secours doit permettre d’assurer l’alimentation des personnes qui n’ont pas de ressources (en attente de l’ouverture ADAADAAllocation des demandeurs d’asile par exemple) et que les transports pour les entretiens OFPRA ou CNDA ou en préfecture sont désormais pris en charge par les gestionnaires de CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile, ces postes de dépenses doivent être prises en compte dans le financement global de l’établissement et sont difficilement compatibles avec les coûts affichés.
De plus, s’il est attendu des HUDA les qualités d’accompagnement des CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile, les coûts devraient se rapprocher pour s’aligner sur les coûts CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile.
d. Une clarification partielle des missions d’urgence : exclusion souhaité par le ministère des CAES et des PRAHDA
La loi du 10 septembre 2018 poursuit l’objectif d’homogénéiser les prestations au sein des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile. La loi réglemente ces lieux comme « 2° Toute structure bénéficiant de financements du ministère chargé de l’asile pour l’accueil de demandeurs d’asile et soumise à déclaration, au sens de l’article L. 322-1 du même code » (article L744-3 CESEDA).
Le cahier des charges sur l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile s’applique donc aux CAO, AT-SA, HUDA existants, ainsi qu’aux HUDA issus de la transformation de CHUM en idf.
Ils devraient également s’appliquer ainsi à toutes les structures bénéficiant du financement du ministère chargé de l’asile, donc aux PRAHDA et aux CAES, malgré le souhait du ministère de les exclure de ces cahiers des charges.
e. L’absence de clarification sur les modalités de sorties des dispositifs
Avec l’accélération des délais et l’évolution des notifications des décisions qui peuvent désormais se réaliser « par tous moyens », la loi du 10 septembre 2018 a complexifié les règles sur la sortie des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile. Ces règles sont d’autant plus complexes à comprendre avec l’introduction dans la loi de la fin du droit au maintien sur le territoire français des demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire (pays d’origine surs notamment). En effet ces derniers peuvent faire l’objet d’une OQTF et d’une expulsion avant même leur audience devant la CNDA. C’est à l’occasion de la contestation de cette OQTF devant le tribunal administratif que le caractère suspensif (et les conditions matérielles d’accueil, dont l’hébergement) pourront être rétablies. La FASFASFédération des acteurs de la solidarité regrette qu’aucune règle claire ne soit établie pour les gestionnaires quant au point de départ des fins des conditions matérielles d’accueil, notamment sur la manière de prendre en compte la fin du recours suspensif pour les demandeurs d’asile placés en procédure prioritaires. Cette absence de clarification pèsera donc sur l’interprétation de chaque gestionnaire ou des DT OFIIOFIIOffice français de l’immigration et de l’intégration et aboutira à un traitement différencié entre demandeurs d’asile. La FASFASFédération des acteurs de la solidarité regrette d’autant plus cette situation que des conséquences financières s’imposeront aux gestionnaires en cas de présences indues.
f. Une procédure contentieuse d’expulsion du CADACADACentre d’accueil pour demandeurs d’asile et de l’HUDA ambiguë.
Concernant les nouvelles modalités contentieuses sur la sortie de l’hébergement, la loi du 10 septembre 2018 prévoit que la procédure de référé « mesure utile » concernant l’expulsion des déboutés des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile peut être réalisée par le préfet ou le gestionnaire du lieu d’hébergement.
La FASFASFédération des acteurs de la solidarité regrette que le cahier des charges omette de rappeler que cette procédure ne s’applique qu’aux déboutés de la demande d’asile et non aux BPI comme pourrait être interprété le cahier des charges. De plus, il reste flou sur la procédure à suivre et les situations ou ni le gestionnaire, faute de temps ou de compétence pour engager ces contentieux, ni le préfet n’engageront ces procédures, laissant la encore le gestionnaire assumer des potentiels risques de minorations budgétaires.
Par ailleurs, de façon globale et face à l’augmentation du nombre de personnes bénéficiaires d’une protection internationale au sein du dispositif national d’accueil, l’accompagnement de 3 mois renouvelable une fois après l’obtention du statut n’est pas suffisant pour réaliser une sortie vers le droit commun avec l’ensemble des droits ouverts. Les pressions qui existent aujourd’hui sur la sortie de ces publics du DNADNADispositif National d’Accueil ne peuvent conduire à une remise à la rue sèche des réfugiés, sans solution de sortie.
Concernant les déboutés, la FASFASFédération des acteurs de la solidarité regrette que l’accompagnement à la sortie et leur orientations vers les prestations de droits commun ou d’accès aux droits, notamment l’hébergement d’urgence, ne vise que les publics vulnérables. En effet, restreindre l’information sur les droits à un type de public vulnérable est non seulement contraire au principe d’accueil inconditionnel nécessitant une appréciation individuelle de chaque situation mais méconnait également les missions du travail social qui « vise à permettre l’accès des personnes à l’ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté».
Certaines régions ont adopté une position de principe sur la compétence de l’Etat pour engager ses procédures au lieu et place des gestionnaires. Ces « bonnes pratiques » sont à valoriser pour éviter encore une fois une confusion des rôles entre les gestionnaires et l’administration et ce, afin que les gestionnaires se mobilisent sur des missions d’accompagnement qui relèvent plus de leur compétences et de leur savoir-faire.
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