Avec de nombreux outils, comme l’insertion par l’activité économique ou le dispositif expérimental Territoires zéro chômeur de longue durée, l’emploi solidaire permet de sortir de la crise économique, rappellent, dans une tribune au « Monde », le secrétaire général de la CFDT et le président de la FAS.
Le chômage de longue durée est massif depuis vingt-cinq ans en France. Il touche près de 2,5 millions de nos concitoyens. C’est la gangrène du corps social ; il débouche sur la pauvreté ; taraude les familles ; engendre la désespérance ; il est au fondement du pessimisme et de la défiance des Français.
Et pourtant le nombre de chômeurs de longue durée devrait mécaniquement progresser dans les prochains mois. A chaque crise, les chômeurs de longue durée sont, pour une large part, repoussés hors du marché du travail ; les entreprises embauchent moins et s’adressent d’abord aux chômeurs « récents », à ceux qu’elles jugent immédiatement productifs car plus qualifiés, plus expérimentés, moins fragiles. Les jeunes, les non-qualifiés, les seniors, les précaires risquent fort de « passer à la trappe ».
L’emploi solidaire représente plusieurs millions d’emplois ; il a été créateur net d’emplois sur la dernière décennie. Il regroupe les emplois créés par les multiples facettes de l’économie sociale et solidaire : entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), structures de l’insertion par l’activité économique, entreprises adaptées, Parcours emploi compétences (PEC, qui ont succédé aux emplois aidés), dispositif expérimental Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD)…
L’emploi solidaire apporte une solution au chômage de longue durée pour au moins trois raisons. Situées sur des créneaux relativement peu exposés à la concurrence internationale directe, régies par des règles de gouvernance et de financement spécifiques, les structures solidaires n’ont pas les mêmes contraintes de compétitivité, de rentabilité et de productivité que l’économie marchande. Elles peuvent donc privilégier la création d’emplois.
Ensuite, pour une part significative, ces structures bénéficient de concours publics parce qu’elles aident à la formation, à la réinsertion ou à la création d’emplois durables (zéro chômeur) de personnes éloignées de l’emploi. L’Etat peut donc accroître le nombre d’emplois ainsi soutenus.
Enfin, ces structures développent des activités utiles, à fort impact sociétal et environnemental, mais que les entreprises de droit commun ne peuvent pas prendre en charge parce qu’elles sont déficitaires et que les collectivités publiques ne peuvent seules les assumer : développement durable, lutte contre les gaspillages, économie circulaire, circuits courts, protection et entretien de l’environnement, lien social, aides aux personnes dépendantes…
Il y a, dans l’économie solidaire, un potentiel considérable de création d’emplois utiles et adaptés aux chômeurs de longue durée avec les formations et l’accompagnement qui permettront à ces personnes de reprendre pied, de retrouver l’espoir et la capacité à former des projets. Cela a un coût. Mais il est certainement inférieur au vrai coût du chômage de longue durée : coûts directs des prestations sociales et des pertes de recettes fiscales, mais aussi coûts indirects liés à l’incapacité à payer son loyer, à la santé, aux addictions, à la dégradation de la vie familiale, à la perte d’estime de soi, à la reproduction de la pauvreté… Tant l’emploi est – avec le logement – un des piliers de l’inclusion sociale.
Chacun a ses responsabilités à prendre dans cette affaire majeure. Les employeurs, bien sûr, qui pendant la crise sanitaire ont été soutenus par la puissance publique, l’Etat et les collectivités publiques. Porter le Parcours emploi compétences de 100 000 à 300 000 en 2021 ; les associations savent en faire un outil d’insertion. Donner une dimension nouvelle à l’insertion par l’activité économique, qui est reconnue, y compris par la Cour des comptes, comme un outil puissant de réinsertion dans l’emploi de droit commun ; le nombre de places ouvertes devrait être porté de 150 000 à 500 000 en deux ans, ouvrant droit à des CDI « de chantier » valables jusqu’à la reprise effective d’emploi. Etendre progressivement l’expérimentation Zéro chômeur de dix territoires à une centaine.
Une telle impulsion nécessite la participation active des acteurs de l’économie sociale et solidaire mais aussi des entreprises de droit commun pour créer en partenariat de nouvelles structures d’insertion.
La dimension territoriale jouera également un rôle essentiel ; c’est une des leçons les plus fortes de Zéro chômeur : les régions, les départements, les échelons communaux doivent prendre la responsabilité de cet enracinement territorial. Des comités locaux rassemblant les collectivités territoriales, les acteurs publics – Pôle emploi, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) – et privés, les partenaires sociaux pourraient se réunir pour définir des activités utiles, identifier les chômeurs de longue durée, prendre contact avec eux et leur proposer les solutions les mieux adaptées : emplois solidaires et aussi, bien sûr, emplois de droit commun disponibles.
Tous les acteurs économiques et sociaux sont appelés à s’engager dans cette lutte contre le fléau du chômage de longue durée. Nous avons besoin d’une véritable mobilisation nationale pour gagner une bataille décisive, profondément transformatrice : celle qui donnera corps au « droit à l’emploi » qui figure dans le préambule de notre Constitution et que nous avons tant de mal à faire vivre.
Laurent Berger (secrétaire général de la CFDT) et Louis Gallois (président de la Fédération des acteurs de la solidarité, FAS)
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Pour rappel https://x.com/canardenchaine/status/1770715537523229131?s=46&t=V158PkKw3nW4GhbAj_9UGw