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30 août 2012

La circulaire sur l’évacuation des campements illicites

Une circulaire interministérielle relative à « l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites » vient d’être publiée le 29 août 2012. Il s’agit de proposer aux préfets un véritable « guide de référence » pour mobiliser les services de l’Etat et les acteurs locaux lors de l’évacuation de ces campements. Elle est signée par l’ensemble des ministres concernés : éducation nationale, logement, emploi, lutte contre l’exclusion, affaires sociales et santé, intérieur et réussite éducative.

En voici les principaux éléments :

Un diagnostic social et un accompagnement individualisé pourront être  mis en œuvre par les associations avant toute évacuation de campement, hors situation d’urgence, terme qui n’est d’ailleurs ^pas défini dans ce texte.

Ce diagnostic «  devra être global pour tenir compte de l’ensemble des problématiques des personnes : situation administrative, état de santé, logement, emploi, scolarisation et individualisé afin de prendre en compte les spécificités de chacune des familles et de leur projet ».

La FNARS approuve la volonté du gouvernement de mettre l’accent sur l’accompagnement global des personnes et son souhait de renforcer le partenariat avec les associations dans le cadre de la mise en œuvre de ce diagnostic mais les moyens resteront limités. La circulaire renvoie au droit commun, sans moyens supplémentaires. La réussite de ce diagnostic et de cet accompagnement dépendra donc des partenariats existants sur les territoires.

 

En matière d’hébergement et d’accueil, les solutions en hébergement d’urgence doivent être recherchées : pour l’accueil et l’hébergement, la circulaire renvoie à la mobilisation des dispositifs de droit commun, notamment à travers le recours à l’urgence sociale. En effet, « à court terme, préalablement à l’évacuation, le recours à l’hébergement d’urgence doit être recherché lorsque cela est nécessaire, adapté aux situations personnelles et possibles en fonction des disponibilités de places que vous recenserez ». Il nous paraît insuffisant de renvoyer au droit commun, qui n’apporte qu’une solution temporaire et qui n’est pas  mobilisable sur certaines régions, vu la saturation des dispositifs sur les territoires tendus. Pour référence, le rapport annuel du 115 en 2011 souligne que dans les 392 804 demandes d’hébergement faites aux 115 des 30 départements de l’échantillon, seules 46% d’entre elles ont donné lieu à un hébergement. Parmi les 54% de réponses négatives, 56% le sont fautes de places disponibles. Les solutions à court terme ne sont donc pas assurées pour ces publics. Il est question également d’aménager des « sites d’accueil provisoires ou d’autres solutions d’hébergement adapté » pour stabiliser « transitoirement » les personnes. Peut-on en conclure que les places hivernales seront ré-ouvertes pour accueillir ce public ?

Le droit à l’hébergement d’urgence constitue pourtant une liberté fondamentale depuis la décision du conseil d’Etat du 10 février 2012 dont l’application relève de la responsabilité de l’Etat. Les besoins immédiats d’accueil et d’hébergement ne pourront être effectifs sans une mobilisation, notamment financière, de la part de l’Etat.

 

En matière sanitaire, la circulaire reste très généraliste et renvoie également au droit commun à travers les ARS, « chargées de mettre en place les actions permettant de favoriser l’accès aux droits, à la prévention et aux soins ». Les ARS s’appuieront notamment sur les CCAS et les services de PMI et assureront le lien avec les « associations susceptibles d’intervenir auprès de ces populations en matière de santé ». Si les associations peuvent constituer un relais d’intervention sur le terrain, il revient avant tout à l’Etat de veiller à l’accès aux soins, à travers notamment la mise en place de l’AME et de la CMU pour ces personnes afin de garantir une prise en charge sanitaire.

 

Les solutions qui n’occultent pas les risquent d’expulsion du territoire français des personnes présentes dans ces campements. La circulaire rappelle que les personnes qui se trouveraient en situation irrégulière sur le territoire français lors de ces évacuations restent soumises à la réglementation en matière de séjour et d’éloignement. Ainsi, comment un diagnostic et un accompagnement social pourra être réalisé si les personnes risquent, dès l’origine et à tout moment une expulsion du territoire français ?

 

En matière d’insertion professionnelle, bien que le gouvernement ait souhaité élargir la liste des métiers ouverts pour les roumains et bulgares sans que la situation de l’emploi ne leur soit opposable, une négociation avec les partenaires sociaux est encore nécessaire pour rendre effectif cette mesure dérogatoire. On peut cependant se féliciter que l’Etat supprime les taxes dues à l’OFII lors de la délivrance du titre de séjour ou de son renouvellement pour les demandes de régularisation par le travail.

Par ailleurs, la circulaire fait référence aux nouvelles mesures du service public de l’emploi, et notamment l’annonce d’embaucher 2 000 conseillers supplémentaires. Cette mesure n’est pas encore effective. A titre d’exemple, un conseiller Pôle Emploi est en charge encore aujourd’hui en moyenne de plus de 100 personnes ; les prestations offertes par Pôle Emploi pour l’accompagnement des chômeurs de longue durée/des plus éloignés de l’emploi ne sont pas suffisamment mobilisées.  Les associations d’insertion proposent aujourd’hui un accompagnement aux publics éloignés de l’emploi que Pôle Emploi ne peut pas réaliser mais elles sont elles-mêmes contraintes en termes de financements (les contrats aidés financent des postes et non le fonctionnement des structures, qui sont pourtant structurellement déficitaires). Par ailleurs, la vraie question est celle de la régularisation au titre du travail des citoyens européens dont on exige encore une autorisation de travail.

On observe aussi sur le terrain les difficultés de coopération entre les acteurs (DIREECTE, Pôle Emploi, collectivités), qui constituent un frein répété à la fluidité des parcours et qui ne sera pas rendu opérationnel dans un avenir à court terme, pourtant nécessaire à la réussite de ce dispositif.

 

Le recours au droit commun et aux fonds européens pour financer ce dispositif. La circulaire ne prévoit pas de moyens supplémentaires pour le financement de ce nouveau dispositif en faveur des populations Roms. Il s’agira d’utiliser les « moyens de droit commun » et de mobiliser les fonds européens (FEDER et FSE). Ces fonds, déjà difficilement mobilisés par les régions ne permettent pas de répondre à la demande à court terme et ne financeront que partiellement les projets mis en œuvre.