21 février 2025
21 février 2025
La FAS est signataire aux côtés de ses adhérents de la tribune initiée par Action Contre la Faim sur le droit à l’alimentation. Cette tribune s’inscrit dans la suite de la résolution parlementaire sur la Reconnaissance du droit à l’alimentation et l’adoption d’une loi-cadre portée par 103 député.e.s et soutenue par 60 organisations de la société civile dont la FAS, Action contre la Faim, le Secours Catholique Caritas France, Foodwatch, Réseau CIVAM, la Ligue des Droits de l’homme… Nous appelons collectivement à une mobilisation forte de la part des élu.e.s pour garantir que ce droit devienne une réalité pour toutes et tous.
Retrouvez le communiqué de presse
La tribune :
La France s’est engagée, en ratifiant des textes internationaux, à garantir le droit à l’alimentation sur son territoire. Ce droit ne se limite pas à être à l’abri de la faim : il doit permettre à chacun·e de choisir son alimentation pour vivre dignement, en bonne santé, dans le respect de l’environnement et des générations futures.
Pourtant, la transposition de ce droit dans le cadre juridique français et les politiques publiques pour le respecter, protéger et garantir sont encore insuffisantes[1]. La faim progresse, les inégalités sociales se creusent, et les maladies liées à l’alimentation comme l’obésité ou le diabète explosent. Pendant ce temps, nos agriculteurs et agricultrices, pris·es dans un système agro-industriel dysfonctionnel, s’épuisent et voient leur colère grandir. La course effrénée aux prix toujours plus bas pèse directement sur elles et eux, les empêchant de vivre dignement de leur travail : 18 % des paysan·nes vivent sous le seuil de pauvreté. Comment prétendre enclencher une transition agroécologique sans leur garantir un revenu décent ? Sans paysan·nes, il n’y a pas de droit à l’alimentation. Ce même système, qui alimente la crise climatique, en subit aussi les effets dévastateurs.
Si des efforts ont été faits, la France peine encore à regarder les injustices du système alimentaire en face. La lutte contre la faim et la précarité alimentaire se mène surtout dans l’urgence et sans traiter ses causes profondes. Si les files d’attente pour l’aide alimentaire ont choqué pendant les confinements liés au COVID-19, si les alertes des associations d’aide alimentaire mobilisent ponctuellement, la réalité est bien plus vaste et persistante : de nombreuses personnes sautent des repas ou se privent de produits frais faute de moyens, restant ainsi invisibles. Ces phénomènes, loin d’être des épisodes isolés, continuent d’affecter une grande partie de la population, bien au-delà de la crise sanitaire. Et quand l’aide est apportée, elle repose en grande partie sur l’engagement essentiel de bénévoles et d’associations, tandis que l’État se contente d’accorder quelques millions d’euros supplémentaires à chaque poussée de fièvre.
Le matraquage publicitaire incessant sur les produits trop sucrés, salés et gras est parallèle aux campagnes pour le « mieux manger » qui visent à répondre aux enjeux environnementaux et de santé. Mais comment y parvenir lorsque l’on n’a pas les moyens financiers de choisir son alimentation ? Ou lorsqu’on habite dans des déserts alimentaires – quartiers, zones rurales et territoires – dépourvus de commerces ou de marchés permettant l’achat de produits frais et accessibles ?
Les industriels et la grande distribution, avec leurs marges élevées sur les fruits, légumes et les produits durables, les rendent inaccessibles aux plus précaires, qui se voient contraint·es de se rabattre sur des aliments nuisibles à leur santé. Les promotions, qui sont en très grande majorité pour des produits de mauvaise qualité nutritionnelle[2], contribuent à aggraver la situation. Où est l’action de l’État pour assurer la transparence des prix et encadrer les marges des industriels afin de rendre une alimentation saine et durable accessible à tous·tes ? Quelles garanties l’État donne-t-il et quelles obligations impose-t-il pour que chacun·e ait les moyens financiers de se nourrir de manière adéquate ? Quelles garanties l’État offre-t-il pour éliminer les déserts alimentaires et assurer l’accès de tous·tes à des produits frais et abordables ?
En subventionnant massivement un modèle agro-industriel destructeur – qui accapare les terres agricoles, épuise les ressources naturelles et met en danger la santé des paysan·nes et des consommateur·[3] – l’État perpétue un cercle vicieux. Certes, des aides d’urgence sont débloquées face aux catastrophes climatiques, mais où sont les investissements pour accompagner durablement la transition vers des modes de production respectueux du vivant et soutenir le renouvellement des générations agricoles ?
Qui entend les citoyen·nes qui aspirent simplement à pouvoir manger sainement tout en préservant l’avenir des générations futures ? Pour avancer, la France doit associer ses citoyen·nes à la construction de politiques alimentaires. Ce sujet, qui nous concerne toutes et tous au quotidien, mérite une action ambitieuse et collective.
Les moyens d’agir existent. Pourtant, la réponse reste trop souvent limitée à des mesures d’urgence, cloisonnées et insuffisantes, ainsi qu’à une tension entre des objectifs et intérêts que l’on présente à tort comme irréconciliables. Ce qu’il faut, c’est un courage politique à la hauteur des enjeux : une vision globale et des changements structurels. Depuis 2021, une Stratégie Nationale Alimentation Nutrition Climat (SNANC) est en préparation. La société civile s’est mobilisée pour proposer des mesures ambitieuses dans ce cadre[4]. Il est temps que cette stratégie voie le jour et qu’elle réponde véritablement aux défis actuels et futurs.
Une loi-cadre sur le droit à l’alimentation pourrait être le levier nécessaire pour engager la transformation de notre système alimentaire. Des instances internationales, comme le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies et le Conseil de l’Europe, appellent la France à aller plus loin. Elles recommandent l’adoption d’une loi-cadre sur le droit à l’alimentation, inscrivant ce droit dans notre législation pour offrir un cadre cohérent et durable. Ce droit, ancré dans des principes essentiels – dignité, participation citoyenne, non-discrimination, transparence, redevabilité – est un outil puissant pour replacer l’intérêt général au cœur de l’action publique.
À la suite de ces recommandations, des parlementaires issu·es d’horizons politiques divers – Boris Tavernier, Richard Ramos, Guillaume Garot et Éléonore Caroit, portent une résolution parlementaire appelant à l’adoption d’une loi-cadre pour la mise en œuvre en France du droit à l’alimentation. 103 député.e.s de 8 groupes politiques différents ont déjà signé cette résolution. Des sénateurs et sénatrices portent la même initiative. Nous appelons les autres élu·es à se mobiliser et à faire preuve d’audace pour garantir que ce droit devienne une réalité pour toutes et tous, tout en permettant une transition juste et durable de nos systèmes alimentaires.
SIGNATAIRES
[1] « Droit à l’alimentation : La France doit se mettre à table », Action contre la faim, Octobre 2024
[2] Enquête : dans les supermarchés, les produits les moins chers sont les plus sucrés, les marques distributeur dans le viseur de Foodwatch | FW FR
[3] « L’injuste prix de notre alimentation », Secours Catholique Caritas France, Réseau CIVAM, Fédération française des diabétiques et Solidarités paysans
[4] « Pour une véritable Stratégie Nationale Alimentation Nutrition Climat », Réseau Action climat and al, Avril 2023
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