22 novembre 2024
19 décembre 2017
Monsieur Michel Cadot
Préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris
5 rue Leblanc
75015 Paris
Paris, le 15 décembre 2017,
Monsieur le Préfet de la région d’Ile-de-France, Préfet de Paris,
Nous, associations qui hébergeons et/ou accompagnons les personnes en fragilité dans l’accès à leurs droits en Ile-de-France, constatons la mise en place sur le territoire francilien d’un dispositif d’accueil des étrangers reposant sur une orientation différenciée des personnes en fonction de leur situation administrative, vers des solutions d’accueil dérogeant aux cadres de l’hébergement généraliste et de l’hébergement des demandeurs d’asile.
Ont ainsi émergé depuis 2015, des Centres d’hébergement d’urgence pour migrants (CHU migrants), un centre de premier accueil des migrants primo-arrivants (CPA) à Paris, un Centre d’accueil et d’examen des situations (CAES) à Cergy, et des Centres d’aide au retour accompagné (CARA).
Si nous saluons la mobilisation des services de l’Etat en réponse aux situations d’urgence sur le territoire francilien, notamment liées à l’augmentation des flux migratoires et qui ont pris la forme de nombreux campements de rue ; nous nous alarmons toutefois quant aux dérogations aux principes structurant notre mission d’accueil et d’accompagnement, dans le cadre des capacités d’accueil créées.
En effet, nous constatons que les injonctions à mettre fin à la prise en charge des personnes migrantes dans ces structures d’accueil ne sont, dans la majorité des cas, pas accompagnées d’une possibilité d’orientation vers une solution d’hébergement ou de logement alternative, ce qui conduit à de nombreux retours à la rue.
Cette situation est incompatible avec le principe de continuité de l’hébergement auquel a droit toute personne en situation de détresse, quelle que soit sa situation administrative. A ce titre, il est nécessaire de permettre l’articulation de ces structures d’accueil avec le dispositif d’accès à l’hébergement et au logement
de droit commun qu’est le service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO).
De même, nous déplorons que des fins de prise en charge soient décidées et mises en œuvre pendant la période hivernale sans orientation vers une solution d’hébergement ou de logement alternative, en dépit de la trêve hivernale dont la Loi Egalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 a pourtant étendu l’application à
l’ensemble des lieux habités, y compris aux bidonvilles.
Nous constatons également au sein de ces structures d’accueil une intervention policière accrue dérogeant au droit à l’inviolabilité du domicile, constitutionnellement protégé par l’article 66 de la Constitution de 1958, et aux principes applicables en cas d’interpellation, prévoyant que l’intervention des forces de l’ordre A cet effet, nous souhaitons rappeler notre attachement à ces droits et principes, et la nécessité de leur application dans les structures d’accueil dédiées aux personnes migrantes.
Nous soulignons, en outre, la confusion sur le rôle qui est dévolu aux associations gestionnaires de lieux d’hébergement dans le cadre de ces nouvelles capacités d’accueil, et nous nous alarmons des incitations à accomplir des tâches que nous considérons contraires aux missions d’accueil et d’accompagnement social.
Nombreuses sont les associations qui ont ainsi été enjointes à notifier aux personnes des convocations en préfectures ou des mesures d’assignation à résidence, ainsi qu’à notifier et mettre en œuvre des décisions de fin de prise en charge pour des motifs non prévus par le Code de l’action sociale et des familles, en
particulier liés à la situation administrative des personnes.
Nous rappelons à cet effet que le socle de nos missions repose sur le principe d’inconditionnalité de l’accueil, prévoyant que toute personne en situation de détresse ait droit à un hébergement digne et à un accompagnement adapté. Nous exprimons notre inquiétude quant à la compatibilité de ce principe d’inconditionnalité avec la spécialisation des capacités d’accueil dédiées aux personnes migrantes, et l’orientation différenciée des personnes en fonction de leur situation administrative.
Enfin, nous portons à votre connaissance notre vive inquiétude au regard de la dégradation des conditions d’accueil et d’accompagnement proposées aux personnes migrantes. Nous nous alarmons ainsi des solutions déployées à l’étape du premier accueil, suite aux évacuations de campements, en gymnase ou dans des salles collectives dans des conditions peu respectueuses de l’intimité et de la dignité ; mais également du bas seuil des conditions d’accueil et d’accompagnement mises en place dans certaines structures plus pérennes, au détriment d’un accueil et d’un accompagnement centrés sur les besoins des personnes concernées. Face aux situations d’urgence, c’est donc dans des conditions de plus en plus contraintes que plusieurs de nos associations ont été amenées à mobiliser leur savoir-faire pour accueillir et accompagner ces personnes en situation de détresse.
En conclusion, nous demandons que soient appliqués dans les structures dédiées à l’accueil des personnes migrantes, les principes inscrits dans la Loi, et structurant notre mission d’accueil et d’accompagnement.
Nous demandons ainsi le respect du principe de continuité, supposant l’application de la trêve hivernale et la systématisation pour toute fin de prise en charge, y compris dans le Dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile, d’une orientation vers une solution d’hébergement ou de logement de droit commun en lien avec le SIAO.
Nous demandons également l’arrêt des interventions policières en structure sans décision de justice.
Nous demandons en outre la garantie de conditions d’accueil et d’accompagnement dignes, en apportant une vigilance particulière aux personnes ne disposant pas des ressources nécessaires.
De plus, nous demandons que soient garantis l’accès des personnes à une information adéquate et à un accompagnement vers leurs droits, ainsi que l’accès effectif à leurs droits.
Enfin, nous exprimons notre inquiétude quant à la compatibilité du principe d’accueil inconditionnel avec la spécialisation des capacités d’accueil dédiées aux personnes migrantes, et l’orientation différenciée des personnes en fonction de leur situation administrative.
Nous vous savons mobilisé sur le sujet de l’accueil des personnes migrantes en Ile-de-France, et souhaiterions vous rencontrer afin d’envisager les possibles évolutions sur ces sujets qui suscitent notre inquiétude.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Préfet de région, en l’expression de notre respectueuse considération.
Associations signataires :
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