04 novembre 2024
3 mars 2020
Malgré les nombreuses alertes et mobilisations des associations spécialisées, dont la Fédération des acteurs de la solidarité, de nombreuses modifications réglementaires et législatives votées à la fin de l’année 2019 sont venues modifier et restreindre l’accès aux droits et aux soins des personnes étrangères.
Le décret n°2019-1531 du 30 décembre 2019 relatif à la condition de résidence applicable aux demandeurs d’asile pour la prise en charge de leurs frais de santé vient modifier l’accès aux droits à l’assurance maladie (PUMaPUMaProtection Universelle Maladie) et à la complémentaire santé solidaire. Dorénavant, les demandeurs d’asile devront attendre trois mois de résidence sur le territoire français pour pouvoir effectuer leur demande d’accès à une couverture maladie.
Ainsi, entre la période où, les demandeurs d’asile arrivent en France et enregistrent leur demande d’asile et le moment où ils auront effectivement accès à la PUMaPUMaProtection Universelle Maladie et à leur complémentaire santé, ils pourront bénéficier de soins d’urgence exclusivement au titre du Dispositif des Soins Urgents et Vitaux (DSUV). Dorénavant, une demande d’AMEAMEAide médicale de l’État refusée ne sera pas nécessaire pour « enclencher » une demande de Soins Urgents et Vitaux au sein des hôpitaux.
Sur la prolongation des droits à l’assurance maladie à l’expiration du document de séjour régulier, le décret 2019-1479 du 28 décembre réduit la période de maintien de droits à l’assurance maladie de 12 mois à 6 mois.
Les personnes en situation régulière arrivées sur le territoire français par l’intermédiaire de la libre circulation ou par l’intermédiaire d’un visa touristique ne pourront effectuer une demande d’accès à l’AMEAMEAide médicale de l’État que 6 mois après leur arrivée en France. Ces personnes en situation régulière pendant trois mois devront attendre 3 mois supplémentaires en situation irrégulière pour effectuer leur demande d’AMEAMEAide médicale de l’État. Cette modification complexifie de fait l’accès aux soins des personnes, et particulièrement en ville.
La notion d’ancienneté de séjour est remplacée par la notion d’irrégularité du séjour1 par la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (article 264). Cette modification législative ne concerne que les personnes majeures (les mineurs ayant accès à l’AMEAMEAide médicale de l’État sans aucune condition d’ancienneté de présence). Les agents des CPAMCPAMCaisses primaires d’assurance maladie pourront contrôler l’irrégularité du séjour par plusieurs moyens : AGDREF2 et VISABIO3 et moyens habituels (passeports fournis par les demandeurs avec présence ou non de visa).
Pour la première demande d’Aide Médicale d’Etat, les demandeurs devront obligatoirement se rendre physiquement en CPAMCPAMCaisses primaires d’assurance maladie ou en CGSS (outre-mer) pour déposer leur dossier d’AMEAMEAide médicale de l’État (PLF 2020, article 264). Cependant, certaines dérogations sont envisagées, notamment lorsque la demande est instruite par une PASS ou par un service social hospitalier, une dérogation est envisagée pour les personnes à mobilité réduite. Par ailleurs, les demandes effectuées lors d’une permanence CPAMCPAMCaisses primaires d’assurance maladie au sein d’une association partenaire seront considérées comme déposées en CPAMCPAMCaisses primaires d’assurance maladie (source CNAM). Enfin, les demandeurs ayant effectué leur demande par courrier seront convoqués à la CPAMCPAMCaisses primaires d’assurance maladie pour un rendez-vous physique obligatoire et la date de demande de l’AMEAMEAide médicale de l’État correspondra à la date de ce rendez-vous physique en CPAMCPAMCaisses primaires d’assurance maladie. Il en sera de même pour les dossiers considérés comme incomplets : la date de dépôt de la demande sera la date de dépôt d’un dossier complet en CPAMCPAMCaisses primaires d’assurance maladie. Le projet de loi de finances (PLF) 2020 introduit une période de carence pour la prise en charge financière de certains soins4 via l’Aide Médicale d’Etat pour les bénéficiaires5, ces soins ne pourront être pris en charge financièrement. Cette période sera définie par un décret d’application (non publié à ce jour). Certaines dérogations pourront être accordées pendant cette période de carence mais seulement sur accord préalable par les médecins référents des CPAMCPAMCaisses primaires d’assurance maladie. Une attention particulière devra être portée pour l’accès à ces soins pour les personnes ayant été bénéficiaires de l’AMEAMEAide médicale de l’État mais ayant eu une rupture dans le bénéfice de cette prestation. En effet un risque de renouvellement de cette période de carence est redouté. Cependant cette période de carence ne concerne pas les soins « revêtant un caractère d’urgence » et les soins des mineurs.
D’un point de vue très pratique, un nouveau formulaire CERFA (N°3720) de demande d’AMEAMEAide médicale de l’État est en cours d’élaboration et sera disponible sur le site de l’assurance maladie.
Enfin, une nouvelle carte AMEAMEAide médicale de l’État6 va progressivement remplacer l’ancien modèle (à partir du 6 janvier 2020). Cette carte se présentera sous le même format qu’une carte de paiement (sans puce de télétransmission). A noter que l’octroi d’une carte à puce pour les bénéficiaires de l’AMEAMEAide médicale de l’État qui permettrait de fait la télétransmission est une demande de la Fédération et des associations partenaires pour endiguer les situations de refus de soins émis à l’encontre des bénéficiaires de l’AMEAMEAide médicale de l’État, notamment en médecine de ville.
Pour rappel, les soins exclus du panier de soins de l’AMEAMEAide médicale de l’État sont : les programmes de prévention bucco-dentaire (comme M’T Dents) à destination des enfants, les cures thermales, les frais d’hébergement et de traitement des mineurs en situation de handicap, les indemnités journalières d’arrêt de travail, la procréation médicalement assisté (PMA), et les médicaments dont le service médical rendu est considéré comme faible.
En ce qui concerne les frais liés aux prestations d’optique et dentaire, les niveaux de remboursement (100% des tarifs sécurité sociale) ne permettent pas en pratique de rembourser les frais réels des soins du fait de reste à charge trop importants pour les bénéficiaires de l’AMEAMEAide médicale de l’État.
Lors d’une réunion entre la CNAM et de nombreuses associations, dont la Fédération, la CNAM a insisté pour trouver un cadre « d’intelligence collective » pour « trouver des modalités opérationnelles facilitantes pour éviter toutes ruptures pour les bénéficiaires de l’AMEAMEAide médicale de l’État ». En d’autres termes la CNAM compte sur les associations pour que les informations réglementaires soient diffusées au sein de nos réseaux respectifs. La CNAM a aussi appelé les associations à l’alerter quand les pratiques des caisses ne correspondent pas à la réglementation en vigueur afin qu’elle puisse travailler avec les caisses concernées. Sur ce point précis nous invitons les travailleurs sociaux des associations adhérentes de la Fédération à faire remonter auprès des chargés de mission santé et/ou des fédérations régionales les difficultés d’accès aux droits constatés sur le terrain afin que nous puissions interpeller la CNAM.
La Fédération restera vigilante sur les impacts de ces évolutions législatives et réglementaires sur les accès effectifs aux droits et aux soins des personnes accompagnées au sein du réseau tant nous pensons qu’elles peuvent avoir des impacts délétères sur la santé des personnes en situation de précarité et d’accompagnements sanitaires précoces des personnes dont les conditions de vie et les parcours migratoires peuvent créer de nombreux problèmes de santé. Nous nous questionnons également sur les impacts potentiels en termes de reports des prises en charge urgentes dans les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et aux urgences hospitalières qui sont déjà confrontées à des problématiques de saturations, de longs délais d’attentes et de financement.
Pour toutes informations complémentaires vous pouvez contacter :
Hugo Si Hassen, chargé de mission santé à la Fédération des acteurs de la solidarité
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1 3 mois à partir de la fin de la période de validité d’un visa ou de la période de libre circulation.
2 Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France qui contient « Les informations enregistrées concernent l’état civil du demandeur, sa nationalité, sa situation de famille, son adresse, les conditions de son entrée en France (entrée régulière ou irrégulière, regroupement familial), sa profession, sa situation administrative (carte de séjour, carte de résident, demande de naturalisation, demande d’asile, refus de séjour, reconduite à la frontière, visa de sortie-retour et contentieux). Un numéro d’identification national permanent est attribué à chaque ressortissant étranger figurant dans le traitement. » cf. https://www.cnil.fr/fr/agdref-application-de-gestion-des-dossiers-des-ressortissants-etrangers-en-france
3 « Il consiste en un traitement informatisé de données personnelles biométriques (photographie numérisée et empreintes digitales des 10 doigts) des demandeurs de visas. » Il recense toutes les personnes détentrices d’un visa pour le territoire Schengen ainsi que les dates d’entrée et de sortie de l’espace Shengen cf. https://www.senat.fr/rap/a10-116-110/a10-116-11011.html
4 Ces soins seront listés au sein d’un décret d’application qui sera publié prochainement
5 Article L251-2 du Code de l’action sociale et des familles, dans la loi n02019-1479 du 28 Décembre 2019 de finances pour 2020)
6 Arrêté du 31 décembre 2019 relatif à la carte d’admission à l’AMEAMEAide médicale de l’État
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