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10 octobre 2024

La Cour des comptes épingle la gestion de l’hébergement d’urgence par l’État

La FAS souscrit totalement au diagnostic du rapport de la Cour des comptes publié le 1er octobre 2024, qui met en exergue un constat critique des relations entre l’État et les gestionnaires de structures d’hébergement d’urgence depuis 2017, marqué par un recours excessif aux subventions annuelles et un contrôle insuffisant des prestations. La politique, conçue comme une réponse à des urgences temporaires, a fragilisé les relations avec les associations et conduit à des défaillances structurelles. La Cour appelle à une refonte des pratiques.

Face à la forte augmentation des besoins d’hébergement des personnes sans-abri, les crédits de l’État alloués à ce secteur ont triplé pour atteindre 3,2 milliards d’euros en 2023, permettant de financer 334 000 places d’hébergement. Ces structures visent à garantir un droit à l’hébergement d’urgence pour toute personne en situation de détresse sociale, médicale ou psychique. Pour répondre à cette croissance, l’État a commencé le renforcement de ses outils de pilotage et de ses relations avec les associations, notamment en déployant des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) uniques par département, et en améliorant le système d’information de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii).

Toutefois, la Cour des comptes pointe des limites importantes dans la gestion de ces relations. L’État continue à privilégier l’octroi de subventions annuelles plutôt que de s’engager dans des contractualisations pluriannuelles avec les gestionnaires. Cela crée une instabilité financière pour les associations et empêche une gestion durable des crédits alloués à l’hébergement d’urgence. La régulation budgétaire infra-annuelle, souvent désorganisée, complique la maîtrise des dépenses et alourdit la charge administrative des services déconcentrés.

Un autre point d’alerte soulevé par la Cour des comptes est la faiblesse des moyens dont dispose l’État pour évaluer la qualité et la solidité des prestations fournies par les gestionnaires d’hébergement. Cette carence expose l’État à un risque de devoir intervenir en urgence si certains gestionnaires venaient à défaillir, créant ainsi une relation de dépendance. Certains acteurs sont devenus tellement indispensables au dispositif qu’ils rendent l’État « captif » de leurs services, ce qui limite sa capacité à faire évoluer le système. Par exemple, la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dhal) a longtemps souffert d’un manque de ressources pour assurer un suivi efficace des structures d’hébergement.

Pour remédier à ces problèmes, la Cour des comptes recommande de transformer davantage de places d’hébergement d’urgence en places d’Établissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux (ESSMS), ce qui permettrait d’assurer un accompagnement plus pérenne des personnes hébergées tout en maîtrisant les coûts. En parallèle, elle appelle à une réduction du recours aux nuitées hôtelières, qui ne devraient être utilisées que pour les situations d’urgence, et à leur intégration dans le cadre de la commande publique.

Le rapport note néanmoins quelques progrès. L’État a entamé un dialogue avec les grands opérateurs du secteur et commence à développer des outils pour mieux contrôler les prestations fournies. L’objectif est de réduire la dépendance aux subventions annuelles et d’instaurer des relations contractuelles fondées sur la qualité des services rendus, permettant ainsi une gestion plus stable et durable du secteur de l’hébergement d’urgence.

 

Retrouvez ci-dessous les recommandations portées par la Cour des comptes :

  • Recommandation n° 1. (délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, SGG) Conforter le positionnement administratif de la délégation afin de renforcer son action interministérielle et territoriale.
  • Recommandation n° 2. (délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement) Doter la délégation à l’hébergement et à l’accès au logement d’outils de gestion adaptés afin de sécuriser ses processus et lui permettre de piloter les politiques publiques qui lui sont dévolues.
  • Recommandation n° 3. (Dhal, DGEF) Mettre en place les outils nécessaires à une gestion optimisée du parc d’hébergement et veiller à l’adéquation entre les missions et les effectifs des services déconcentrés dévolus à la politique d’hébergement.
  • Recommandation n° 4. (DB, Dhal, DGEF) Inscrire et mettre à disposition, dès la loi de finances initiale, les crédits correspondant aux engagements d’hébergement de l’État (programmes 177 et 303).
  • Recommandation n° 5. (DB) Appliquer le taux de réserve de 0,5 % aux crédits du programme 177 destinés au financement des structures d’hébergement d’urgence (recommandation également formulée lors des notes d’exécution budgétaire 2020, 2021, 2022 et 2023).
  • Recommandation n° 6. (DB, DGEF, Dhal) S’engager en début d’année auprès des organismes gestionnaires d’hébergement sur un calendrier ferme et respecté de versement des subventions.
  • Recommandation n° 7. (DGEF, Dhal) Fixer un objectif de transformation des places d’hébergement d’urgence en places d’ESSMS et construire le cadre juridique et opérationnel qui permet de l’atteindre à coût budgétaire maîtrisé.
  • Recommandation n° 8. (Dhal) Engager pour l’année 2025 une démarche de conventionnement triennal généralisée des établissements de l’hébergement d’urgence généraliste, sauf à ce que ces établissements soient couverts par un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.
  • Recommandation n° 9. (DGEF, Dhal) Systématiser le recours aux règles de la commande publique pour l’achat de nuitées hôtelières.
  • Recommandation n° 10. (Dhal, DGEF) Mettre en place avant la fin de l’année 2024 des mesures d’automatisation de collecte d’informations pour le dépôt des demandes de subventions, des remontées des évènements indésirables graves ainsi que pour la collecte d’informations issues des comptes administratifs des organismes.
  • Recommandation n° 11. (SGMAS, Dhal, DGEF) Déployer une stratégie nationale de contrôle des organismes gestionnaires d’hébergement et de leurs établissements (organisation, procédures, moyens humains et système d’informations).
  • Recommandation n° 12. (SGMAS) Simplifier le mécanisme de fixation des frais de siège et réallouer les ressources humaines y afférentes au contrôle global des organismes gestionnaires.

Téléchargez le rapport complet de la Cour des comptes.