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8 mars 2022

Lancement du contrat d’engagement jeune : quelles perspectives pour les jeunes les plus précaires ?

Article mis à jour le 21 mars 2022

Début 2021, le gouvernement annonçait le lancement de travaux relatifs à création d’une « Garantie Jeunes Universelle », visant à permettre à « chacun (de pouvoir) bénéficier d’une aide financière en plus d’un accompagnement vers l’emploi ». En juillet 2021, il annonçait la création future d’un « Revenu d’Engagement pour les jeunes », pour les jeunes sans emploi ni formation et qui serait fondé sur une logique de devoirs et de droits. S’en sont suivis des mois de travail en inter-ministérialité et de nombreux échanges avec un certain nombre de services de l’Etat, échanges durant lesquels la Fédération des acteurs de la solidarité a pu porter ses propositions. Afin d’apporter une réponse durable face à la pauvreté des jeunes privés d’emploi et de soutien familial et en accord avec le positionnement fédéral, la Fédération n’a cessé d’exprimer la nécessité que soit créé un revenu minimum décent ouvert aux jeunes dès 18 ans. Elle a également porté un certain nombre de solutions pour prévenir les potentielles difficultés d’accès et de maintien de jeunes en situation très précaire au dispositif CEJ ainsi que la nécessité d’associer un accompagnement global aux propositions purement tournées vers l’accès à l’emploi et à la formation, en complément de l’allocation versée.

Le 1er mars dernier, le dispositif a, sous l’appellation « contrat d’engagement jeune » (dit CEJ), été officiellement lancé. Il s’agit du dispositif CEJ dans sa version « générale », mais un parcours spécifiquement dédié aux jeunes les plus précaires (dit « CEJ-Jeunes en rupture ») reste à venir et concernera l’ensemble des acteurs qui agissent avec et pour les jeunes en situation de précarité.

Qu’est-ce que le contrat d’engagement jeune, dans sa version lancée au 1er mars 2022 ?

Le dispositif allie accompagnement et allocation et repose sur les principes suivants :

  • Parcours visant à favoriser l’accès à l’emploi et à la formation de jeunes de moins de 26 ans (ou de moins de 30 ans pour les jeunes reconnus travailleurs handicapés) et qui ne sont ni en formation, ni en études, ni en emploi durable (notion soumise à appréciation du conseiller du service public de l’emploi en charge du diagnostic de la situation) ;
  • Estimation du nombre de jeunes susceptibles d’avoir besoin de recourir au CEJ : 500 000 jeunes
  • Droit ouvertau sens où le dispositif n’est pas contingenté ;
  • Consiste en un parcours d’accompagnement, avec un diagnostic, l’élaboration d’un plan d’action avec le jeune puis un suivi par unréférent unique conseiller du service public de l’emploi (Mission locale, Pôle emploi)
  • Programme d’activités de minimum 15 à 20 heures par semaine(temps d’accompagnement individuel et collectif, modules d’activités, formation, stage, parcours en Ecole de la deuxième chance, EPIDE, mission de service civique ou tout autre solution du plan « 1 jeune, 1 solution »… cf. circulaire du 21 février 202211-12)
  • Durée du parcours : de 6 à 12 mois, avec possibilité d’extension jusqu’à 18 mois ; possibilité pour un jeune d’effectuer un deuxième parcours en CEJ 6 mois après la fin du précédent contrat, sauf « circonstances particulières » appréciées par le représentant du service public de l’emploi (en cas de « difficultés spécifiques » rencontrées par le jeune).
  • Allocation de maximum 500€/mois(montant différentiel en fonction de l’âge, des ressources…) NB : les jeunes détachés fiscalement ou rattachés à un foyer non imposable pourront bénéficier d’une allocation de 500 euros ; les jeunes rattachés à un foyer imposable de tranche I, pourront toucher une allocation d’un montant de 300 euros. Les revenus d’activités déclarés (ainsi que certains autres types de revenus) sont intégralement cumulables avec le montant forfaitaire de l’allocation jusqu’à 300 € nets ; au-delà de 300 €, le montant de l’allocation est dégressif et s’annule lorsque les ressources nettes du jeune atteignent 80 % du SMIC brut.
  • Engagement officiel du jeune via signature d’un contrat d’engagement avec le représentant du service public de l’emploi concerné, et système de sanction prévue en cas de non-respect des engagements. Le versement de l’allocation est notamment conditionné au respect d’engagements pris par le.la jeune (participation aux activités prévues, assiduité…)
  • Exceptionnellement, possibilité d’intégrer rapidement le dispositif et de bénéficier du versement de l’allocation avant le dépôt des pièces justifiant de l’éligibilité du jeune à l’allocation(délai de 3 mois pour l’envoi des pièces)

Pour plus d’informations, voir aussi :

Il s’agit donc du format « général » du CEJ. En complément du parcours CEJ « général », l’Etat a décidé de développer un autre format de CEJ avec d’autres modalités d’accompagnement, dit le « CEJ-jeunes en rupture », qui va être mis en place et s’adressera aux jeunes les plus précaires.

Que sait-on du CEJ-jeunes en rupture, dispositif dédié aux jeunes les plus précaires ?

Le CEJ-jeunes en rupture, parcours spécifique du nouveau CEJ et s’adressant aux jeunes en situation de précarité, a été annoncé le 17 mars dernier par Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé et Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement, lors d’une visite d’un centre d’hébergement d’urgence de l’association Aurore. Un communiqué de presse précise que le CEJ-jeunes en rupture consiste en une « offre de service dédiée » au public le plus précaire

La FAS a participé à de nombreux échanges au sujet du CEJ-jeunes en rupture, qui devrait être en accord avec les principes suivants (voir aussi quelques éléments en p.9 du dossier de presse du lancement du CEJ) :

  • Un opérateur (association, consortium…) serait chargé de l’accompagnement global des jeunes en CEJ-jeunes en rupture, en coordination avec la Mission locale.
  • Adaptation aux besoins des jeunes et souplesse dans les modalités d’accompagnement, avec une logique d’investissement progressif et des engagements crantés sur de courtes périodes et non-uniquement centrés sur l’accès à une formation/un emploi/un dispositif de remobilisation mais aussi sur des actions visant à lever des freins périphériques.
  • Place importante donnée au partenariatentre acteurs pour garantir l’accompagnement global ; il est indispensable pour se faire qu’une coordination territoriale entre acteurs puisse se mettre en place, ce qui nécessite qu’un acteur soit identifié et financé pour cela.
  • S’appliquent en principe aussi les caractéristiques citées précédemment pour le CEJ général
  • Budget dédié au CEJ-Jeunes en rupture : plus de 100 millions d’euros (uniquement pour l’accompagnement, hors allocation versée aux jeunes), pour une cible de plus de 20 000 jeunes

En soutien au volet accompagnement global du CEJ-jeunes en rupture, la DIHAL et la Direction Générale de la santé sont également en cours d’élaboration de mesures spécifiques que pourra mobiliser l’acteur mettant en œuvre le CEJ en cas de besoins spécifiques des jeunes accompagnés :

  • Développement de référent jeunes CEJ en SIAO dont les objectifs seront d’identifier et de mobiliser les dispositifs d’hébergement ou de logement adapté les plus pertinents pour les jeunes accompagnés en CEJ-JR et d’animer le réseau d’acteurs présents sur le territoire pour créer et renforcer les liens partenariaux entre et avec eux.
  • Nouvelles mesures d’accompagnement vers et dans le logementdédiées aux jeunes en CEJ avec 10 millions d’euros spécifiquement alloués à ces nouvelles mesures. Le contenu exact de ces mesures et les modalités de sélection des acteurs qui les porteront ne sont pas encore connus.
  • Soutien à la mise en lien et à la création de partenariats entre acteurs qui accompagnent les jeunes et acteurs du soinvia les ARS notamment.

Sur la mise en œuvre opérationnelle du CEJ-jeunes en rupture, le communiqué de presse du gouvernement indique que « les associations d’insertion et de lutte contre la pauvreté joueront un rôle essentiel dans (son) déploiement ». Deux voies se dessinent :

=>  Des appels à projets régionaux auxquels devront répondre consortium et/ou associations pour se positionner sur l’accompagnement du public précaire de jeunes en CEJ-jeunes en rupture, en coordination avec les missions locales avec lesquelles le projet doit impérativement être élaboré. Dans ce cas, c’est la mission locale qui a la charge du déclenchement de l’allocation et de son versement via l’ASP.

=> Un marché national lancé en principe à la rentrée de septembre, avec la possibilité pour les acteurs opérateurs d’organiser un parcours de A à Z et sans nécessairement se coordonner avec le service public de l’emploi et en assumant le versement de l’allocation et les décisions d’entrée/sortie/sanctions des jeunes. Selon le communiqué de presse du gouvernement, il vise notamment à « pérenniser les expérimentations lancées par plusieurs associations dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences ». NB : concernant ces mêmes projets PIC, le gouvernement indique par ailleurs « dans l’immédiat, la prolongation des parcours de repérage et de remobilisation portés par les associations dans le cadre de l’appel à projets « 100% inclusion », en visant prioritairement l’accompagnement de jeunes éloignés de l’emploi ».

A venir : le décret n° 2022-199 du 18 février 2022 portant sur le CEJ ne fait pas mention du volet « jeunes en rupture » du CEJ. L’appel à projets portant exclusivement sur le CEJ dédié aux plus précaires est en cours d’élaboration et apportera des précisions sur les modalités de mise en œuvre de cette version du CEJ, le processus de communication auprès du public et de coordination entre opérateur et acteur du service public de l’emploi dans le cadre de ce parcours, le contenu de l’accompagnement et des activités proposées au public etc. Les appels à projets régionaux devraient en principe être lancé en avril 2022 pour une sélection des projets durant l’été.

Toutes les structures qui interviennent auprès d’un public de jeunes en situation précaire pourront mobiliser ce nouveau dispositif au profit des jeunes qu’elles accompagnent et se mobiliser dans le cadre de son développement via les actions suivantes :

– a minima via l’orientation du public vers le CEJ – et donc vers les missions locales-, ainsi que vers le futur CEJ-Jeunes en rupture – et donc notamment vers un acteur associatif porteur du CEJ-Jeunes en rupture- ainsi que via l’établissement ou le maintien de liens partenariaux avec l’acteur qui porte le CEJ pour maintenir un lien avec les jeunes que la structure accompagne déjà ;

– en répondant aux appels à projets à venir pour mettre en œuvre le CEJjeunes en rupture via des actions de repérage et d’accompagnement global du public ;

– en étant en charge, dans le cadre du CEJ-Jeunes en rupture, de mesures d’accompagnement logement spécifiquement créées et dédiées aux jeunes en CEJ, ainsi que via les postes de référents jeunes en SIAO.

Aussi, et même si le CEJ spécifiquement créé pour les jeunes les plus en difficulté et dont le lancement reste à venir concernera en principe d’avantage le public accompagné par les adhérents à la FAS, la Fédération encourage ses adhérents à prendre attache dès maintenant avec la mission locale autour des modalités de partenariat susceptibles d’être développées pour l’accompagnement du public de jeunes en situation de précarité. Les parcours d’accompagnement global proposés dans le cadre des réponses aux appels à projets régionaux à venir dès avril doivent dans tous les cas impérativement être construits en lien avec la mission locale.