22 novembre 2024
11 mai 2020
Dans une ordonnance du 30 avril 2020, le Conseil d’Etat se prononce pour la deuxième fois depuis le début de l’état d’urgence sanitaire sur le sort des étrangers en attente de l’enregistrement de leur demande d’asile.
Depuis la fin du mois de mars ; les guichets uniques de demande d’asile (GUDA) des préfectures d’Ile-de-France ont suspendu leur activité, alors que le ministre de l’intérieur avait initialement indiqué l’existence d’instructions destinées à garantir l’accueil des demandeurs d’asile pendant le confinement (poursuite de l’enregistrement des demandes d’asile des personnes vulnérables et recensement des personnes qui manifesteraient l’intention de présenter une demande d’asile). De nombreuses personnes et des familles ont ainsi été dans l’impossibilité de déposer leur demande d’asile, les laissant depuis le début de l’épidémie sans droit au séjour provisoire et sans accès à des moyens de subsistance, en particulier l’allocation pour demandeurs d’asile (ADAADAAllocation des demandeurs d’asile).
Statuant en référé à la suite d’une requête présentée par plusieurs personnes et plusieurs associations, le tribunal administratif de Paris a enjoint le 21 avril 2020 au préfet de police et aux préfets d’Ile de France de rétablir sous 5 jours l’enregistrement des demandes d’asile et à l’OFIIOFIIOffice français de l’immigration et de l’intégration de procéder sans délai à la réouverture de sa plateforme téléphonique permettant de fixer des rendez-vous dans les guichets uniques d’Ile-de-France.
Le ministre de l’intérieur et l’OFIIOFIIOffice français de l’immigration et de l’intégration ont saisi en appel le Conseil d’Etat et ont demandé l’annulation de cette ordonnance. Ils estimaient avoir mis en place des aides alternatives offrant des garanties équivalentes aux conditions matérielles d’accueil (chèques service, mise à l’abri). Ils faisaient également valoir que l’épidémie COVID 19 constituait un cas de force majeur et qu’ils étaient dans l’impossibilité d’assurer les permanences aux guichets faute d’agents disponibles en nombre suffisants et de mettre en place les mesures de sécurité sanitaire dans des conditions satisfaisantes, tant pour les agents que pour les demandeurs d’asile.
Le Conseil d’Etat rejette cette demande d’annulation et confirme la décision rendue en première instance. Il reconnait l’urgence et la carence de l’Etat. Il ordonne au ministre de l’Intérieur de rétablir l’enregistrement des demandes d’asile, en priorité des personnes présentant une vulnérabilité particulière, et à l’OFIIOFIIOffice français de l’immigration et de l’intégration de rétablir le fonctionnement de sa plateforme téléphonique, dans un délai de cinq jours et dans les conditions sanitaires imposées par le covid-19.
Il rappelle en premier lieu qu’il s’était déjà prononcé le 9 avril dernier sur la question du droit d’asile durant le confinement et avait alors considéré qu’il ne lui était pas porté d’atteinte grave et manifestement illégale, car l’administration s’était engagée à mettre en place un service minimum garantissant l’accueil des demandeurs d’asile. Or il constate que les mesures annoncées n’ont pas été mises en place.
Le Conseil d’Etat ne reconnait pas dans l’épidémie un cas de force majeur déliant l’administration de ses obligations. Il considère que la défaillance des préfectures d’IDFIDFIle-de-France et de l’OFIIOFIIOffice français de l’immigration et de l’intégration constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile. Il rappelle qu’en application de la directive « Accueil » du 26 juin 2013, et cela même dans le cas de l’état d’urgence sanitaire, l’Etat « doit mettre le demandeur d’asile en possession d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette demande, [et] doit également, aussi longtemps qu’il est admis à se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d’asile et quelle que soit la procédure d’examen de sa demande, lui assurer, selon ses besoins et ses ressources, des conditions d’accueil lui permettant de satisfaire à ses besoins. »
Appréciant les moyens dont dispose les préfectures, il constate qu’il leur est possible de mobiliser un minimum d’agents malgré le contexte pour rouvrir les guichets d’enregistrement en nombre suffisant et d’assurer les mesures de protection et de distanciation sociale, ce que certaines préfecture dans d’autres département ont d’ailleurs faits.
Cette décision du Conseil d’Etat, bien que tardive, est à saluer pour toutes les personnes et familles qui se sont trouvées en situation de grand dénuement pendant la période de confinement et dont l’accès aux aides n’a pas été toujours garanti. Le contexte actuel conduit à interroger la capacité de la société à assurer, en toute circonstance, l’accès des citoyens aux services publics essentiels, à protéger les publics les plus vulnérables et à garantir le respect des droits fondamentaux. Cette période ne peut qu’inciter l’Etat et la société civile à réfléchir pour l’avenir sur les moyens à donner à ces services et aux acteurs de terrain pour y parvenir.
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