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11 décembre 2024

Les difficultés cumulées des SIAE mises en exergue dans un recensement

Alors que le secteur de l’IAE subit de plein fouet les restrictions budgétaires, un recensement des situations d’urgence des SIAE a été mené auprès des structures pour illustrer leurs difficultés. Merci aux 144 SIAE ayant répondu. Ce recensement met en avant des difficultés cumulées, exacerbées par un pilotage court-termiste inadapté aux acteurs économiques que sont les SIAE, en contradiction avec les besoins des personnes accompagnées et la raison d’être de l’insertion par l’activité économique.

 

Le secteur de l’IAE, et en particulier les ateliers chantiers d’insertion (ACI) et les associations intermédiaires (AI), subit de plein fouet les décisions de restrictions budgétaires, cumulées à un désengagement structurel progressif des financeurs publics, dans un contexte plus général d’inflation qui pèse sur leur équilibre économique, et le niveau de vie de leurs salarié.e.s. C’est dans ce contexte que la FAS, au sein du Collectif IAE, avait tiré la sonnette d’alarme au printemps 2024, dans une tribune : Ne cassons pas des décennies de construction commune réussie pour l’emploi.

Un recensement des situations d’urgence des SIAE a ensuite été mené par plusieurs têtes de réseaux IAE, dans le but d’illustrer les difficultés rencontrées par les structures et d’alimenter le plaidoyer, notamment dans le cadre des débats sur le budget 2025.
Nous vous présentons ici la synthèse des résultats commentés issus du formulaire diffusé par la FAS entre le 4 et le 20 octobre 2024.

Nous tenons à remercier les 144 structures (comprenant 181 SIAE conventionnées) ayant répondu !

 

Une baisse d’activité avérée, et qui risque de s’amplifier

La baisse d’activité est la difficulté qui a été la plus signalée par les répondants, près d’un quart d’entre eux. La difficulté à obtenir de nouvelles activités en raison du non-développement des ETP ou de la limitation stricte du taux de commercialisation arrive en second dans les difficultés mentionnées.

En effet, en 2023, l’arrêt des financements de nouveaux postes en insertion et d’investissements a mis les structures dans une situation très délicate au moment même où celles-ci devaient sécuriser leurs engagements. Le manque d’ETP disponibles impacte directement le niveau d’activité des SIAE, qui ne peut se développer, voire se maintenir.

Dans un contexte de baisse de subventions et d’augmentation des charges, c’est le modèle socio-économique dans son ensemble qui est menacé, exacerbant la tension entre activité économique et mission d’insertion, en particulier pour les Ateliers chantiers d’insertion (ACI).

 

Témoignage d’un directeur d’ACI : 
« – Baisse de la subvention régionale progressive de 50 % de 2024 à 2026
– Baisse de la subvention départementale de 30 % depuis 2019
– Suppression de la subvention communale de 20 000 € en 2023
– Augmentation obligatoire du Chiffre d’affaires pour compenser les charges et leurs augmentations.
– Rapprochement progressif du seuil des 50 % du chiffre d’affaires par rapport aux produits
– Augmentation du temps passé sur les chantiers au détriment de temps d’accompagnement, de formation et d’évènements organisés
– Surcharge et pression pour l’équipe des permanents qui se sentent de plus en plus éloignées de la mission d’insertion. L’activité économique prédomine dans le projet de la structure. »

 

Pour les associations intermédiaires (AI), la baisse d’activité est fortement liée à la perte de clients, publics et/ou privés. Au-delà de cette dimension, en partie conjoncturelle, des évolutions davantage structurelles percutent le modèle socio-économique des AI, notamment depuis la généralisation du PASS IAE à l’ensemble de leurs salarié.e.s. Des travaux ont été lancés avec la DGEFP pour rétablir la possibilité de recruter des personnes non éligibles à l’IAE mais en situation de précarité, hors PASS IAE et donc hors aide au poste. Cette (ré)ouverture permettrait de pallier en partie les difficultés de recrutement ainsi que la surcharge administrative générée par les PASS IAE, et de développer leur activité économique.

 

Témoignage d’un responsable d’ensemblier d’insertion

« Dans notre GES, la principale préoccupation est la baisse forte des activités de nos 2 AI : -20% en l’espace d’un an. Les causes : contraction forte des budgets des collectivités (villes et métropoles) qui sont de gros donneurs d’ordre.
Une réflexion nationale sur le modèle AI doit être lancée car il y a un risque très important sur ce modèle, d’autant plus qu’il passe souvent en “dessous des radars” dans les politiques publiques. »

 

 

Un nombre insuffisant d’ETP d’insertion disponibles pour permettre le bon fonctionnement des structures

Un tiers des structures déclare avoir obtenu moins d’ETP que demandés cette année. Pour ces 48 structures, cela représente 69 ETP non obtenus.

Témoignage d’une coordinatrice d’ACI

« En octobre 2024, il nous a été annoncé que nous n’allions pas avoir de réajustement d’ETP suite à la Bourse aux Postes de Juillet. Aussi, il nous a été indiqué que si nous voulions embaucher, nous devrions assumer nous même les salaires des salariés en transition professionnelle.
Afin de ne pas dépasser la masse salariale prévisionnelle totale de la collectivité en 2024, je ne peux embaucher que 2 personnes, alors que j’en ai 17 en attente sur la plateforme de l’inclusion. » 

 

Les besoins réels des structures sont sous-évalués, dans la mesure où la circulaire Fonds d’inclusion dans l’emploi (FIE) 2024 limite le nombre d’ETP conventionnés aux ETP réalisés en 2023. Instauré dans un contexte de « consolidation », et non plus de croissance du secteur, ce mécanisme a pour effet de masquer les besoins réels des structures, et notamment ceux rattachés aux projets développés ces dernières années avec le concours de l’Etat. Un décalage notable entre temporalité prescrite et vécue.

 

Témoignage d’une responsable d’ACI
« La difficulté sur les ACI : pas de politique à long terme sur les contrats et les financements, donc difficile de se développer. »

 

Un fort impact du possible gel de l’indexation de l’aide au poste sur le SMIC

Les structures ayant répondu à ce recensement font état d’un coût moyen mensuel de 2 900€ dans le scénario d’une non prise en compte d’une augmentation du SMIC de 2%. Ce coût représente environ à 45€/ETP/mois pour les ACI.

Annoncé au printemps 2024 comme une mesure de restriction budgétaire, le gel de l’indexation de l’aide au poste sur le SMIC représente un coût non négligeable pour les structures, au-delà d’un signal fort de désengagement de l’Etat dans l’équilibre de leur modèle économique, en particulier pour les ACI.

Cette mesure n’a finalement pas été appliquée pour l’augmentation du SMIC de novembre 2024, mais demeure un risque pour 2025, avec la poursuite des restrictions budgétaires, et un budget annoncé loin de répondre aux besoins du secteur.

 

Les effets de l’inflation qui font pression sur le modèle socio-économique

Comme toute entreprise, les SIAE subissent les effets de l’inflation, notamment au niveau de leurs fournisseurs d’énergie et de matières premières, et de la répercussion sur leurs clients et bénéficiaires.

 

Témoignage d’un directeur d’ACI
« Des augmentations très sensibles des fluides et matières premières, du matériel et des matériaux. Une baisse de la valeur ajoutée. Une pression plus importante sur le volet économique (rentabilité) qui si elle s’accompagne d’une baisse des financements publics, dénaturera ou mettra en péril nos missions premières »

 

Témoignage d’une directrice d’ACI

« L’inflation des prix est en moyenne de 5% sur les matières et de plus de 10% sur l’énergie, cela obligerait à augmenter nos tarifs et perdre une part de marché sur la petite niche ou nous sommes. »

 

Une masse salariale également impactée par l’absence de compensation de la revalorisation Ségur, pour les structures de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale

 

Témoignage d’un responsable d’ACI

« L’atterrissage qui se profile est d’ores et déjà impacté par 130 000€ de Ségur qui est devenu une obligation conventionnelle depuis juin 2024 car nous sommes un ensemblier avec une convention CHRS – NEXEM. Nous sommes à ce jour sans réponse de l’Etat ou du département sur la prise en charge de cette dépense qui est par ailleurs une reconnaissance attendue de notre secteur. Ceci s’ajoute à notre résultat probablement déficitaire cette année, entre 50 000 et 100 000€, sur 4 500 000€ de budget (soit 5% au total). »

 

En effet, bien que la précédente Ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, ait signé cet accord de revalorisation Ségur pour tou.te.s les salarié.e.s du secteur social et médico-social rattaché.e.s à la BASS en juin, puis que cet accord ait été étendu en août dernier, rien n’est aujourd’hui prévu pour compenser cette revalorisation salariale dans un certain nombre de secteur dont l’IAE. Cette situation est inacceptable, opposant une décision positive et nécessaire en termes de conditions de travail des salarié.e.s à un manque de moyens alloués, mettant en péril l’équilibre financier des structures employeuses.

 

En conclusion, ce recensement met en avant des difficultés cumulées, exacerbées par un pilotage court-termiste inadapté aux acteurs économiques que sont les SIAE, en contradiction avec les besoins des personnes accompagnées et la raison d’être de l’insertion par l’activité économique.

Pour la deuxième année consécutive, ce sont des lignes budgétaires structurantes qui disparaissent ou sont fortement diminuées dans le budget de l’Etat, en particulier celles visant à encourager la formation des salariés en parcours d’insertion (Plan d’investissement dans les compétences dédié – PIC IAE) ou à soutenir les structures en difficulté (Fonds d’inclusion dans l’emploi).

Pour la deuxième année consécutive, c’est le maintien d’une trajectoire de croissance stable du nombre de postes d’insertion qui est remis en cause.

Voir le communiqué de presse du Collectif IAE du 14 novembre 2024 : Donner les moyens aux structures de l’IAE d’accompagner efficacement les personnes les plus éloignées de l’emploi

 

Témoignage d’une directrice d’ensemblier

« La difficulté réside plus dans le soutien au développement (FDI notamment). L’incertitude sur les financements notamment le FSE pour les ACI. La difficulté d’obtenir du mécénat car nos structures n’ont pas la reconnaissance d’intérêt public et ne peuvent émettre des reçus fiscaux pour les dons de fondations, d’entreprise… »

 

Ainsi, par injonctions des différents pouvoirs publics, parfois contradictoires, et avec de moins en moins de fonds par structure, les SIAE doivent renforcer leurs accompagnements, recruter des personnes de plus en plus éloignées de l’emploi tout en en développant une part marchande d’auto-financement croissante, ce qui peut les éloigner de leurs missions sociales.

Ces demandes d’évolution de leurs modèles économiques « rationalisés » ou « consolidés » ne sont pas coordonnées et, surtout, pas accompagnées dans le temps alors même que les structures sont en gestion de phase de croissance attendue deux ans auparavant par l’Etat. Ces demandes pressées, voire brutales, n’ont souvent pas connaissance des réalités économiques des activités concernées (investissements d’intérêt général non privatisables, productivité à dimension sociale, rentabilité non lucrative, commercialité limitée, etc.).

La situation est devenue intenable pour ces structures qui mobilisent, pour l’exemple des ACI, des dizaines de milliers de salariés permanents et 115 000 personnes en parcours par an. Emplois qui, par leur ancrage local, apportent des services concrets aux populations des territoires, en premier lieu les plus défavorisées.

 

Témoignage d’un directeur d’ACI
« Nous sommes des structures de délégation de service public (qui d’autre veut s’occuper de nos salariés?) avec des contraintes d’entreprises, mais sans en avoir la souplesse ni les moyens. »

 

Témoignage d’une directrice d’ACI
« Notre force est la dynamique de notre Équipe. La difficulté majeure est l’incertitude d’une vision à court et moyen terme et beaucoup d’incertitudes sur les politiques publiques et le devenir des structures d’insertion par l’activité économique et plus particulièrement les ACI. S’ajoute à ces incertitudes l’incertitude de nos partenariats avec les collectivités locales impactées en 2025 par les politiques publiques. »