19 décembre 2024
20 juin 2024
Les enjeux d’intégration des femmes reconnues bénéficiaires d’une protection internationale [1]
A l’occasion de la journée mondiale des réfugié.e.s du 20 juin 2024, la Fédération des acteurs de la solidarité souhaite mettre en avant les femmes bénéficiaires de la protection internationale (BPI) souvent oubliées et invisibilisées dans l’élaboration des politiques publiques de lutte contre les exclusions. A l’échelle mondiale, une personne migrante sur deux est une femme, et représentent aujourd’hui en France, environ 40% des BPI. [2]
Dans l’imaginaire collectif, les femmes réfugiées sont victimes d’idées préconçues et représentées de façon stéréotypées, allant de l’imaginaire de la “femme rejoignante” à leur hypersexualisation. Ces femmes, quand elles ne sont pas essentialisées, se retrouvent être les grandes absentes des débats politiques, notamment lors du vote de la dernière loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration de janvier 2024, renforçant une nouvelle fois leurs vulnérabilités, et durcissant leurs accès aux droits (limitation du droit à vivre en famille, de la capacité à se soigner, réduction drastique des droits sociaux…).
Parce que femmes et étrangères, elles partagent pour un grand nombre d’entre elles, des traumatismes communs liés au parcours d’exil se cumulant à un continuum de violences [3]de genre (sexuelles, domestiques, physiques…). La Cour de Justice de l’Union Européenne a, dans ce sens, reconnue le caractère structurel des violences faites aux femmes et leurs droits à être protégées dans un arrêt du 16 janvier 2024 [4]dernier, considérant que les femmes peuvent être dans leur ensemble regardées comme appartenant à un groupe social selon la Convention de Genève et bénéficier du statut de réfugié lorsqu’elles sont percutées en raison de leur genre.
Vivant des réalités singulières et uniques, elles se retrouvent toutes confrontées à un moment de leurs parcours à des enjeux systémiques, pour faire valoir leurs droits et obtenir la protection de la part de l’Etat français, en tant que demandeuse d’asile avant d’obtenir une protection.
Lorsqu’arrive le moment de l’intégration, une fois protégées par l’Etat français, les femmes BPI, à l’image de l’ensemble des personnes protégées, se confrontent très souvent à des nouvelles formes de violences, administrative et symbolique. En effet, leurs difficultés dans leurs accès aux droits sociaux (dématérialisation, accès au logement, emploi…) ou le déclassement social auxquelles elles vont faire face vont alors être de véritables défis.
La lutte contre les discriminations et le sexisme, axe fort du projet fédéral de la FAS, reste plus que jamais d’actualité. Il y a désormais urgence à amplifier nos actions en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes et s’engager activement dans la défense et la conquête de nouveaux droits pour toutes et tous, notamment en veillant au respect et au maintien des droits des femmes réfugiées.
La sortie du DNA : un moment crucial
Une fois la reconnaissance de la protection internationale obtenue, l’enjeu est majeur lors de la sortie du Dispositif national d’accueil (DNA) et de la fin de l’accompagnement des femmes alors devenues réfugiées.
Si les centres provisoires d’hébergement (CPH) permettent d’offrir un accompagnement et un hébergement supplémentaire à la fin du DNA, dédiés aux besoins des personnes identifiées comme les plus vulnérables, force est de constater que peu de personnes réussissent à en bénéficier, en raison d’un manque important de places.
Le temps d’attente important dans la reconstitution de leur état civil délivré par l’OFPRA, en moyenne d’un an, retardant de fait la délivrance d’un titre de séjour et compliquant les démarches administratives et d’accès aux droits est un autre enjeu à surmonter à la sortie du DNA. En effet, lors de ce temps d’attente, les réfugiées obtiennent des Attestations Provisoires d’Instruction (API) avant la délivrance de leur titre de séjour définitif en tant que personne BPI. La durée de l’API, ainsi que son non-renouvellement automatique, oscille entre 4 à 6 mois, freinant de fait les démarches d’intégration. Ainsi, de nombreuses femmes réfugiées doivent se maintenir dans leurs hébergements ou logement du DNA en attente de posséder un état civil définitif.
La reconnaissance disparate des API sur le territoire national et les droits afférents (droits sociaux et autorisation de pouvoir exercer une activité professionnelle), cumulée aux nombreux dysfonctionnements techniques de l’ANEF[5] engendrant des ruptures de droits plus ou moins longues pour les personnes protégées, impactent ensuite leurs droits et leurs accès au logement ou à l’emploi. Nos adhérent.e.s nous ont fait remonter de nombreuses difficultés liées à la rupture de droits et donc de sortie pour les femmes BPI, qui se retrouvent du jour au lendemain sans emploi, sans prestation sociale et sans logement.
Enfin, comme le relève une cheffe de service d’un CADA HUDA marseillais, une frustration est très présente parmi les équipes sociales qui ont parfois le sentiment de laisser partir de leur CADA des femmes devenues bénéficiaires d’une protection internationale vulnérables. En effet, celle-ci relève un nombre important de femmes potentiellement victimes de réseaux de traite, sans que les équipes aient pu avoir des moyens pour les identifier, les qualifier et les accompagner sur ces enjeux. La question de la prise en compte du parcours complexe et spécifique des victimes de traite, nécessitant un travail de fond avec des associations spécialisées, nécessite des moyens humains et financiers qui ne sont pas à la hauteur des enjeux et des besoins du DNA et ce malgré son plan « vulnérabilités ».
Les enjeux dans l’accompagnement à l’intégration
La récente loi immigration et intégration manque cruellement d’ambition quant aux moyens réels pour l’intégration des BPI, notamment concernant les femmes. En janvier 2022, le ministère de l’intérieur a créé le programme d’Accompagnement Global et Individualisé des Réfugié.e.s [6](AGIR) pour le logement et l’emploi des personnes réfugiées. Les femmes BPI représentent environ 1 personne sur 3 des personnes accompagnées par ce programme[7], ce qui représente une réelle avancée. Pour rappel, le programme précédent, HOPE, était principalement destiné aux hommes BPI.
AGIR a pour objectif de proposer un guichet unique départemental aux personnes réfugiées, afin de faciliter leur parcours d’intégration, en proposant un accompagnement de 24 mois sans rupture de droits, et leur garantir à la sortie un logement et un emploi.
De plus, les associations adhérentes à la FAS alertent également sur le sous financement de ce programme, ne permettant pas à ce jour d’offrir un accompagnement prenant en compte les freins périphériques à l’intégration, et plus particulièrement pour les femmes BPI.
En effet, aucune mesure dédiée aux besoins spécifiques des femmes n’a été intégrée dans ce programme pour lever les freins périphériques à l’emploi, notamment en facilitant l’accès à un établissement d’accueil du jeune enfant, et ainsi à un emploi.
Comme le soulève une coordinatrice du programme AGIR dans la région Centre Val deLoire, lorsqu’un ménage est accompagné, au sein du couple, les hommes sont souvent priorisés pour accéder aux cours de français lorsqu’un enjeu de l’accueil des enfants est présent.
Pour autant, l’accès au logement demeure une des problématiques les plus importantes quant au parcours d’intégration des BPI. Comme le relève le ministère de l’intérieur dans son étude ELIPA 2 « Les premières années en France des immigrés » [8]“les BPI, comparés aux autres classes d’immigré.e.s, n’accèdent quasiment pas à la propriété (7%) ; dépendent bien plus du parc des logements sociaux, et 20% d’entre eux déclarent que leur logement n’est pas adapté à la taille de leur ménage et trop éloignés des services du quotidien… Parallèlement, un tiers des réfugiés accompagnés vivant chez un tiers est orienté vers un centre d’hébergement collectif. 12 % des BPI accompagné.e.s restent toutefois dans des habitations de fortune en 2022”. La FAS dénonce régulièrement le sans abrisme de ces publics à qui la France à donner protection.
Concernant l’accès à l’emploi, la coordinatrice remarque également les difficultés présentes dans la reconnaissance des diplômes ayant pour conséquence un déclassement social non sans conséquence sur la santé mentale, ce qui est valable pour l’ensemble des BPI. De plus, les femmes BPI sont bien trop souvent orientées vers des emplois proposant des contrats précaires, avec des horaires atypiques. Un accompagnement de qualité est nécessaire pour identifier des compétences transférables que les femmes BPI n’ont pas forcément identifiées par elles-mêmes.
En matière de santé, les obstacles liés à la précarité, au sexe et au genre se conjuguent et peuvent plus encore s’aggraver pour les femmes BPI, bien trop souvent stigmatisées dans leurs parcours de santé, trop souvent considéré uniquement sous l’angle de la santé sexuelle et reproductive. Parce qu’exilées, elles sont d’autant plus confrontées à des problématiques de santé, notamment de santé mentale. Elles souffrent de stress post traumatique et d’états dépressifs liées aux violences vécues sur leurs parcours migratoires.
Comme le relève le centre Primo Levi, “la prise en compte de la souffrance psychique fait partie de l’accueil et des étapes d’intégration”. [9]
L’enquête de la DGEF à propos de l’intégration des réfugié.e.s estime que “41 % déclarent avoir des problèmes de santé mentale un an après leur admission au séjour…Les années suivantes, l’état de santé mentale des réfugiés s’améliorent. En 2022, un BPI sur quatre déclare des symptômes dépressifs, une part similaire à celle des autres primo-arrivants[10].” Ces chiffres, auto-déclaratifs ici, sont à prendre en compte plus fortement dans l’élaboration des politiques publiques d’intégration à destination des BPI et notamment pour les femmes dont les spécificités bien trop souvent négligées par les pouvoirs publics dans les politiques publiques territoriales de santé + prise en compte comme un intégration+ décloisonnement des politiques publiques de santé
Comme le rappelle le Haut-Commissariat pour les Réfugié.e.s des Nations Unies[11] “l’intégration implique un processus réciproque entre les personnes protégées et leur communauté-hôte. Le contrat social entre les personnes réfugiées, bénéficiaires de la protection subsidiaire et apatrides, d’une part, et l’Etat d’accueil, d’autre part, doit être établi de manière adéquate pour instaurer un lien de confiance tant au plan politique que sociétal. Il revient à l’Etat d’accueil de garantir aux personnes protégées la possibilité de jouir de leurs droits, de favoriser un environnement accueillant et d’œuvrer contre la xénophobie”.
Face à tous ces enjeux, la Fédération des acteurs de la solidarité, à l’occasion de la journée internationale des réfugié.e.s formule ici ses préconisations :
[1] Bénéficiaires d’une protection internationale comprend ici les femmes protégées au sens de la Convention de Genève et de la protection subsidiaire
[2] https://www.unhcr.org/fr/nos-activites/how-we-work/proteger-les-personnes/femmes et https://www.france-terre-asile.org/actualites/lactualite-france-terre-dasile/l-exil-feminin-en-france
[3] https://primolevi.org/app/uploads/2022/11/CPL-Femmes-exile%CC%81es-une-violence-continue.pdf
[4] https://www.lacimade.org/presse/droit-dasile-enfin-la-reconnaissance-du-groupe-social-des-femmes/
[5] https://www.womenforwomenfrance.org/fr/a-propos-de-nous/actualites/women-for-women-france-alerte-sur-les-nombreux-dysfonctionnements-du-systeme-de-demande-des-titres-de-sejour-en-france
[6] https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Integration-et-Acces-a-la-nationalite/AGIR-pour-l-emploi-et-le-logement-des-personnes-refugiees
[7] Infos Migrations DGEF Le profil socioéconomique des réfugié.e.s à leur entrée dans AGIR – avril 2024
[8] DSED DGEF Les premières années des immigrées en France : essentiel de l’étude longitudinale 2023 2024, page 90
[9] Centre Primo Levi Santé mentale des exilées : une souffrance invisible
[10] DSED DGEF Les premières années des immigrées en France : essentiel de l’étude longitudinale 2023 2024, page 98
[11] https://www.unhcr.org/fr-fr/en-france/le-hcr-en-france/integration-et-participation
19 décembre 2024
19 décembre 2024
19 décembre 2024
Dans un courrier adressé à la ministre du Logement, Valérie Létard, la @FedeSolidarite et la @CroixRouge alertent sur la « situation extrêmement dégradée que connaissent aujourd’hui » de nombreux SIAO.
🔴 Personnes à la rue : mission de plus en plus impossible pour les associations qui portent le 115 : le courrier de la FAS et de la Croix-Rouge à la ministre du logement.
Retrouvez le communiqué de presse et le courrier ici :
CP | Personnes à la rue : Mission de plus en plus impossible pour les associations qui portent le...
Communiqué de presse 23 octobre 2024 Personnes à la rue : Mission de plus en plus impossible pour les associati...
www.federationsolidarite.org
Logements d'urgence : la Fédération des acteurs de la solidarité dénonce "des critères de tri illégaux" imposés par des préfets au 115
🔴 Alerte sur le 115 ➡️ "On nous demande de hiérarchiser la misère", dit Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité.
Soutien à @AndyKerbrat dans son parcours de soin qui devrait pouvoir être celui de tant de jeunes (et moins jeunes) françaises et français confrontés aux fragilités de la vie et aux addictions.
"Aujourd'hui ce n'est pas possible de se dire qu'un ressortissant étranger peut circuler librement dans l'espace Schengen", assume @Al_Nikolic.
"Vous nous dites qu'un étranger est un problème, vous croyez que ça trompe qui ?" lui répond Pascal Brice.
#Immigration #CVR
Ce matin, au ministère, à la veille de la période hivernale, j’ai réuni les représentants des associations de l’hébergement et du logement d’abord.
La solidarité fait la force de notre Nation.
Accueil des migrants dans un pays tiers : "Ce type de dispositif est contraire à la Constitution française", rappelle Pascal Brice, président @FedeSolidarite, en s'appuyant sur le Conseil d'État. Il réclame "plus de sang froid" des politiques.
#Immigration #Migrants #CVR
La Fédération des acteurs de la solidarité pointe les dysfonctionnements de la plateforme Anef, qui freinent notamment l'accès au travail des étrangers
@FedeSolidarite