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24 novembre 2023

Mieux flécher et spécialiser les parcours des femmes en situation migratoire, victimes de violences

Parole à Marine Simenel et Emilie Brion – Association CAPS / PAVIF
Photos de Marine Simenel, Cheffe de service au CAPS et coordinatrice du Pôle Accueil Violences Intra Familiales (PAVIF) et Emilie Brion, assistante du service social  au sein de l’association (Crédit photos : DR)

Marine Simenel est Cheffe de service au CAPS et coordinatrice du Pôle Accueil Violences Intra Familiales (PAVIF) et Emilie Brion assistante du service social  au sein de l’association de Seine-Maritime créée en 1974. L’association intervient auprès des publics en situation de vulnérabilité. Le CAPS comprend un pôle hébergement/logement au sein duquel se retrouvent de nombreuses femmes victimes de violences. Il intervient au sein du PAVIF. Le Pôle Accueil Violences Intra-familiales existe depuis 10 ans et est porté avec deux autres associations locales : le Centre d’Information des Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) et l’Œuvre Normande des Mères (ONM) adhérent également de la FAS. Le PAVIF se veut un lieu d’accueil unique pour les femmes et les enfants, basé sur la logique de l’aller vers les victimes de violences au sein du couple et une prise en charge globale et pluridisciplinaire pour éviter les ruptures de parcours. Sur 2022, le PAVIF a accueilli 50,7% de femmes de nationalité française et 49,3% de femmes étrangères dont 75% d’entre elles avaient un titre de séjour. L’association connaît une véritable augmentation de l’orientation des CADA (Centre d’accueil pour demandeur.euse d’asile) vers ce service.

Ce lieu a été précurseur aux maisons des femmes avec une prise en charge pluriprofessionnelle. Il regroupe douze professionnel.les à temps partiel : une agent d’accueil,  deux  juristes, une psychologue, une assistante sociale pour le service de 1er accueil, deux éducatrices spécialisées pour écouter et orienter, deux travailleurs sociaux sur l’hébergement et le logement et deux éducatrices de jeunes enfants pour le dispositif « mots pour maux » dédiée aux enfants co-victimes. Enfin, un traducteur vient compléter l’équipe pour éviter la barrière de la langue. « Nous faisons appel régulièrement à des traducteurs pour l’accompagnement des publics ne maîtrisant pas la langue française, c’est un élément essentiel pour que la personne puisse se voir délivrer la bonne information et que nous soyons sûr.es de la comprendre mais ces entretiens sont plus longs et les démarches plus complexes à réaliser. » Le travail sur l’interprétariat et l’interculturalité se fait en lien avec deux associations : Femmes Inter Associations Normandie et MTB trad et interprétariat. « L’enjeu de l’interprétariat et de l’interculturalité est très important pour bien accompagner les femmes étrangères, passer la barrière de la langue et sortir des représentations. Malheureusement, nous manquons de moyens pour ces parcours souvent plus longs du fait du poids des us et coutumes et de la complexité d’appropriation des droits. Nous avons un vrai travail de sensibilisation à faire sur les droits des personnes, pour leur faire comprendre qu’elles ont des droits, aborder les questions de violences sexuelles, travailler le départ du domicile conjugal, l’ouverture des droits et l’accès au titre de séjour. ».Les femmes accueillies subissent un « continuum de violences » : sexuelles, psychologiques, administratives, économiques et n’ont pas de parcours adapté. Elles sont souvent invisibilisées au sein de plusieurs dispositifs. Le PAVIF sollicite auprès du SIAO les demandes de mise à l’abri dans le cadre d’une mesure de protection immédiate mais malheureusement il n’existe pas de structures d’hébergement dédiées et le nombre de places est toujours plus restreint avec un tri des vulnérabilités se faisant par la notion de dangerosité. « Le fait de ne pouvoir garantir une solution à ces femmes est très insécurisant dans l’accompagnement proposé et engendre des ruptures de parcours. La difficulté que rencontre ces femmes se situe dans l’évaluation permanente du danger qui est leur opposée. Si un conjoint violent est dans un autre pays ou dans un autre département, le danger n’est pas considéré comme immédiat et la mise à l’abri n’est pas prioritaire. La femme se retrouve sans solution. » Le CAPS et l’ONM demandent la spécialisation de places et pour remettre la question de l’hébergement au cœur du travail d’accompagnement. Si la mise à l’abri nécessite une orientation du SIAO, le CAPS propose des appartements meublés temporaires, dans un second temps, qui préparent à la sortie en logement autonome. Malheureusement, ces logements ne sont pas accessibles aux personnes sans ressource ou sans titre de séjour (dispositif d’ALT).

Le PAVIF a pu réduire ces délais depuis l’arrivée de l’assistante sociale sur le service de 1er accueil avec une évaluation téléphonique du danger entre vingt-quatre et quarante-huit heures (1/3 des demandes) et trois semaines pour un rendez-vous classique avec un juriste, une travailleur.euse social.e et une psychologue.  Le PAVIF souhaiterait obtenir plus de moyens pour proposer des places d’hébergements spécialisés, pouvoir orienter ou prendre en charge le psycho traumatisme et améliorer l’accompagnement des enfants. Des juristes sont présents au sein du service pour informer sur les droits mais la régularisation est souvent conditionnée à l’obtention d’une ordonnance de protection ou d’un dépôt de plainte, il est nécessaire de favoriser les conditions d’accès au séjour pour les femmes victimes de violences.

En plus de l’accompagnement de ces femmes sur les violences conjugales qu’elles subissent, dans leur pays d’origine ou bien dans leur pays d’accueil, il faut également avoir en tête qu’elles sont quasiment TOUTES victimes de violences de genre, et particulièrement de violences sexuelles : « Si l’exil veut dire perte du pays natal, de la sécurité, de la famille, il veut maintenant dire violence et plus spécifiquement violence sexuelle. Dans la file active du Centre Primo Levi, la quasi-totalité des femmes que le centre Primo Levi reçoit a subi des violences sexuelles soit dans leur pays d’origine soit sur le chemin de l’exil ». Sans oublier les victimes de traite des êtres humains, de mutilations génitales féminines, de mariages forcés qui sont également très représentées dans les femmes en situation de migration.

Retrouvez plus d’informations sur le CAPS et le PAVIF dans le FMAG de décembre 2023.