19 décembre 2024
10 octobre 2022
Le contrat d’engagement jeune (CEJ), parcours visant à favoriser l’accès à l’emploi et à la formation de jeunes ni en formation, ni en études, ni en emploi durable (jeunes NEET) et alliant accompagnement et allocation pouvant aller jusqu’à 500 euros, est mis en œuvre depuis le 1er mars dernier, avec un objectif fixé à 400 000 jeunes en CEJ d’ici la fin de l’année. Au 23 septembre, 178 000 jeunes étaient entrés en CEJ depuis son lancement. La Fédération des acteurs de la solidarité est pleinement engagée dans le suivi de sa mise en œuvre, et davantage encore concernant l’accès des jeunes les plus précaires au dispositif et son adaptation à leurs besoins.
Sept mois après son lancement, la Fédération souligne un certain nombre de limites au dispositif qui in fine nuisent à l’accès d’une partie des jeunes au CEJ:
Les intervenant.e.s sociales.aux qui accueillent et accompagnent des jeunes NEET en situation précaire font état d’un manque d’informations lisibles concernant les types de ressources possiblement cumulables, totalement ou partiellement, avec l’allocation CEJ, les ressources intégralement déductibles de l’allocation et celles qui ne sont pas cumulables. Il est aujourd’hui difficile de distinguer ces différentes catégories de ressources, ce qui peut être une source significative d’erreurs susceptibles d’être transmises dans les informations fournies aux jeunes. Il existe également un risque de non-orientation des jeunes vers le CEJ par les professionnel.le.s par crainte de donner des informations erronées, ce qui est susceptible de venir contribuer à l’aggravation du non-recours déjà très fort chez les jeunes. L’élaboration et la diffusion d’un document clair relatif à ces informations permettrait une meilleure compréhension par les jeunes et par les acteurs qui peuvent orienter des jeunes NEET vers le CEJ.
Auparavant, la Garantie jeunes permettait aux jeunes stagiaires de la formation professionnelle de pouvoir, en sus de l’accompagnement proposé par la mission locale, de bénéficier à la fois des revenus tirés du stage de formation professionnelle et de l’allocation Garantie jeunes. Cette rémunération était intégralement cumulable avec l’allocation à condition qu’elle ne dépasse pas mensuellement 300 euros net ; au-delà, le montant de l’allocation Garantie jeunes diminuait proportionnellement. Selon un schéma similaire, l’allocation Garantie jeunes pouvait être cumulable avec l’allocation d’aide au retour à l’emploi.
Dans le cadre du nouveau Contrat d’Engagement Jeune, il n’est plus possible pour les jeunes de cumuler des revenus tirés d’un stage en formation professionnelle ou de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, ces types de ressources étant désormais intégralement déductibles de l’allocation CEJ. Ainsi, alors qu’une partie du public en Garantie jeunes pouvait voir ses ressources mensuelles dépasser le seuil de 500 euros, le Contrat d’Engagement Jeune établit un plafond total maximum de 500 euros pour ces même jeunes. Nous nous inquiétons d’un tel recul pour la solvabilisation du public concerné, qui aura pour conséquence la diminution de la capacité des jeunes à pouvoir répondre aux offres de logement, y compris aux solutions normalement accessibles que sont les résidences sociales et foyers de jeunes travailleurs. Par ailleurs, un ralentissement marqué de l’entrée des jeunes en formation professionnelle est également à craindre et serait donc en contradiction avec les orientations du plan 1 jeune, 1 solution porté par le précédent Gouvernement.
De la même manière, le Contrat d’Engagement Jeune marque un net recul pour les jeunes travaillant dans le secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE). Auparavant, des jeunes en Garantie jeunes pouvaient voir leurs ressources issues de l’IAE être partiellement cumulables avec l’allocation. Dans le cadre du CEJ, alors même que les revenus tirés d’une activité salariée ou non salariée sont partiellement cumulables avec l’allocation CEJ, le versement de l’allocation CEJ est intégralement suspendu pendant la période durant laquelle le jeune perçoit des revenus issus de l’IAE et ce quel que soit le type de structure, de contrat, le nombre d’heures réalisées mensuellement ou le montant desdits revenus. A nouveau, le CEJ semble moins-disant pour les jeunes en comparaison avec la Garantie jeunes, en particulier pour le public le plus précaire susceptible d’effectuer un faible nombre mensuel d’heures de mission et touchant donc des revenus limités. Le risque est très fort que les jeunes concernés se désintéressent de l’IAE, pourtant puissant outil d’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi, celles-là même qui constitue la cible du CEJ.
Les intervenant.e.s sociales.aux qui accompagnent des jeunes NEET font état de demandes de pièces justificatives exigées pour l’entrée en CEJ qui sont en décalage avec la situation d’une partie du public – dont des jeunes bénéficiaires de la protection internationale (BPI, soit les réfugié.es et bénéficiaires de la protection subsidiaire) – d’une part et avec le texte de la circulaire du 21 février 2022 relative à la mise en œuvre du contrat d’engagement jeune d’autre part. Il est exigé dans certains territoires que les jeunes présentent un Numéro d’Inscription au Répertoire (NIR) dit aussi « numéro de Sécurité sociale définitif ». Or, ce numéro n’est pas strictement exigé à l’entrée du CEJ selon le texte de la circulaire citée précédemment. D’autre part, le public bénéficiaire de protection internationale dispose d’un Numéro d’Immatriculation d’Attente seulement ; pour obtenir un NIR définitif, il est nécessaire que les personnes présentent une pièce d’identité et un document d’état civil, que les BPI ne peuvent obtenir que sur délivrance de l’Ofpra avec des délais importants (plusieurs mois, voire parfois au-delà d’un an). Ainsi, la demande de NIR peut empêcher l’accès effectif au CEJ de jeunes étrangers en situation régulière sur le territoire.
Par ailleurs, l’Agence de services et de paiement ne reconnaitrait pas l’attestation de prolongation d’instruction comme pièce nécessaire à l’entrée en CEJ, alors qu’il remplace le récépissé de demande de titre de séjour pour les démarches à effectuer., . Cela produit de fait une exclusion d’une partie du public pourtant identifié comme pouvant bénéficier du CEJ à des fins d’insertion.
La Fédération des acteurs de la solidarité se mobilise fortement sur le suivi de la mise en œuvre du contrat d’engagement jeunes et transmet très régulièrement les difficultés rencontrées par le public et les professionnel.les du réseau qui les accompagnent, notamment auprès des cabinets de la Première Ministre et du Ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et des services de l’Etat.. La Fédération verse également ses constats aux travaux de suivi du CEJ réalisé par le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse du CESE ainsi qu’aux travaux de préfiguration de France Travail.
Concernant le CEJ-jeunes en rupture, les services déconcentrés de l’Etat sont en fin de phase d’instruction et de sélection des projets retenus. De nombreux adhérents ont exprimé une très forte lassitude vis-à-vis de ce nouvel appel à projets, dont l’objet est pourtant jugé pertinent, du fait notamment du manque. d’ ’articulation avec des projets déjà existants et en cours de mise en œuvre (PIC 100% inclusion, PIC repérage des invisibles par exemple)et contribue ainsi à une impression d’empilement de dispositifs.
Par ailleurs, les appels à projets ont été ouverts pour une durée très courte, au regard notamment du fait qu’ils visaient la constitution de consortium. Si le besoin est bien réel au regard de l’absence fréquente de dynamique de coordination territoriale entre acteurs qui travaillent avec et pour les jeunes précaires, la construction d’un consortium dans des zones dans lesquelles il n’y a pas ou peu de travail partenarial nécessite du temps. Il est très probable que le court délai de réponse à l’appel à projets ait favorisé l’élaboration de projets par des acteurs travaillant déjà en coopération plutôt que la création de projets dans des zones où aucune dynamique partenariale n’existait jusqu’alors. La Fédération des acteurs de la solidarité a transmis l’ensemble de ces éléments et points de vigilance aux services de l’Etat et reste attentive et mobilisée durant la phase de sélection des projets, puis de leur mise en œuvre afin que chaque jeune en situation de précarité puisse se voir proposer une solution alliant allocation et accompagnement global correspondant à ses besoins.
Pour toute remontée concernant l’accès des jeunes accompagnés dans le réseau au contrat d’engagement jeune et plus globalement des sujets liés au CEJ et au CEJ-jeunes en rupture, merci de vous adresser à alice.tallon@federationsolidarite.org
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