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15 juin 2021

Mission Immigration asile et intégration : analyse du rapport annuel de performance 2020

Contrairement aux années précédentes, et en lien avec le situation exceptionnelle relative à la crise sanitaire et sociale due à l’épidémie de Covid-19, on constate une légère sous-exécution de la mission IAI dans son ensemble – alors que 1 812 M€ en crédits de paiements, hors fonds de concours, ont été ouverts via la LFI 2020, l’exécution s’est élevée à 1 746 M€. Le différentiel est de 66 M€ hors fonds de concours (environ – 4%).

Cette sous-exécution masque toutefois une situation récurrente depuis plusieurs années : une sur-exécution du programme 303 « immigration et asile » – 1 398 M€ consommés pour 1 381 M€ prévus en LFI, soit +17M€ et un différentiel de 1,25%, dû en grande partie à une sous-budgétisation de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA), compensée par une sous-exécution du programme 104 « intégration et accès à la nationalité française » – 348 M€ consommés pour 431 M€ prévus en LFI, soit -83,5 M€ et un différentiel de 19%.

On peut affirmer, comme le font les rapporteurs spéciaux de la mission IAE à l’Assemblée, que la crise sanitaire, du fait de ses effets sur le niveau de la demande d’asile a « contribué à limiter la portée de certaines fragilités initiales » dans la programmation budgétaire[1]. La Cour des Comptes souligne quant à elle dans son rapport relatif à l’exécution de la mission que sa programmation et sa gestion en 2020 « ont ressemblé trait pour trait à ce qu’elles avaient été en 2017, en 2018 et en 2019 : une sous-budgétisation du programme 303 affichée dès le début de la gestion » et qu’« au vu de la répétition quatre années de suite des mêmes mécanismes, qui mettent en cause la sincérité de la budgétisation des deux programmes à la fois, il est indispensable que le ministère revoie en profondeur les hypothèses sur lesquelles est construite la programmation, laquelle doit reposer, non sur des espoirs ou sur des cibles ayant valeur de signaux, mais plutôt sur le principe de prudence. »[2]

Niveau de la demande d’asile

La crise sanitaire a eu d’importante conséquences sur le niveau de la demande d’asile, qui a baissé pour la première fois depuis plusieurs années : on a constaté une baisse de l’enregistrement de demande de 41%, tandis que le nombre d’introduction de demande d’asile à l’Ofpra a baissé d’environ 28%, la différence étant principalement due au fait que de nombreuses personnes placées sous procédure Dublin ont vu leur procédure requalifiée à l’expiration du délai de transfert, et ont ainsi été en mesure d’introduire leur demande auprès de l’Ofpra. Le niveau d’activité de l’Ofpra et la CNDA a lui-aussi connu une baisse en raison de la crise sanitaire (les entretiens et audiences ont été d’abord suspendus puis ont repris progressivement à la suite du premier confinement au printemps 2020). Dès lors, malgré la baisse de la demande, le délai moyen de traitement de la demande d’asile a sensiblement augmenté en 2020 et a atteint 262 jours (contre 166 en 2019), loin de l’objectif des 60 jours fixé par le gouvernement.

Le contexte de crise sanitaire a fortement perturbé l’activité des services en charge de l’asile ainsi que de l’intégration des personnes primo-arrivantes et réfugiées au cours de l’année 2020. La demande d’asile a baissé de manière significative du fait des restrictions de déplacement imposées au niveau international et européen, mais l’interruption de l’activité lors du premier confinement puis la reprise progressive se sont traduits par une stagnation du nombre de personnes en demande d’asile (et donc des sommes d’ADA versées ainsi que du nombre de personnes hébergées).

La Fédération des acteurs de la solidarité avait plaidé pour qu’un dispositif d’enregistrement de la demande d’asile, par le biais d’une procédure dématérialisée par exemple, puisse être mis en place afin de respecter le droit à valeur constitutionnel qu’est le droit d’asile. Seuls des enregistrements exceptionnels ont pu être maintenus, privant les personnes d’un accès à la procédure et aux conditions matérielles d’accueil, même si une partie d’entre elles a pu bénéficier de l’ouverture exceptionnelle de places d’hébergement d’urgence généraliste et de la distribution de chèques services.

 

Conditions matérielles d’accueil

Allocation pour demandeurs d’asile (ADA)

L’augmentation du délai moyen de traitement, ainsi que la baisse du nombre de transferts de personnes en demande d’asile placées sous procédure Dublin, ont pour conséquence une relative stagnation du nombre de personnes bénéficiaires des conditions matérielles d’accueil tout au long de l’année, donc du nombre de bénéficiaires de l’allocation pour demandeurs d’asile. Les dépenses d’ADA se sont élevées à 481,55 M€ en 2020, soit une sur-exécution par rapport aux 448 M€ ouverts en LFI. 493 M€ au total ont été versés aux ménages, la différence correspondant à la trésorerie disponible au 1er janvier 2020. Cela représente une légère baisse par rapport à 2019 (environ 500M€). Des crédits issus du programme 104 ont été transférés afin de compenser cette sous-budgétisation. Le rapport nous indique que le montant additionnel de 7,4€ par jour et par adulte auquel aucun hébergement n’a été proposé a été versé « en moyenne » à 62 000 ménages, pour un montant total de 171,3 M€.

Hébergement des demandeurs d’asile

En 2020, seules 52% des personnes pouvant prétendre à un hébergement au sein du dispositif national d’accueil y ont été hébergées. Si ce pourcentage est en augmentation par rapport à 2019 (48%), il reste très inférieur à la cible prévue dans le cadre de la LFI 2020 (63%) et souligne que les besoins en termes de places d’hébergements du DNA restent très importants, malgré la baisse conjoncturelle de la demande d’asile.

Le mouvement de simplification du parc s’est poursuivi avec la transformation de la totalité des places CAO en places HUDA dans le courant de l’année 2020. Le parc DNA est donc composé de trois types d’hébergement :

  • Centre d’accueil et d’évaluation des situations (CAES) : 3 136 places, coût journalier moyen de 25 €/place (hors Ile-de-France) pour un budget total de 28,56 M€, avec une légère sous-exécution (30,90 M€ prévus en LFI)
  • Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) : 43 602 places, coût journalier moyen de 19,50€/place, pour un budget total de 309,25 M€, avec une sous-exécution (317,20 M€ prévus en LFI). Ce parc comprend 75 places spécialisées pour les femmes victimes de violences et de traite des êtres humains (avec un surcoût de 13€/jour/place).
  • Hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) : coût total de 373 M€, en sur-exécution (363,56 M€ prévus en LFI). Ce coût de l’HUDA comprend :
    • 233,6 M€ pour 36 986 places d’HUDA avec un coût journalier moyen de 16,38€ (18€ en IDF). Les autorisations d’engagement sont plus élevées (458 M€) en raison de la signature de conventions pluriannuelle. Cette somme comprend les dépenses « non prévues » en nuitées hôtelières, soit supérieure à la cible des nuitées hôtelières fixées par circulaire, dans plusieurs régions : 10 M€ en IDF, 1,5 M€ en Occitanie, 2,1 M€ en PACA et 0,8 M€ en Nouvelle-Aquitaine ;
    • 87,34 M€ pour les 8 102 places d’ex-CHUM en IDF, avec un coût journaliser moyen de 30,3€/place ;
    • 7,17 M€ de dépenses d’HUDA en Outre-Mer dont des « compléments non prévus » à hauteur de 5,4 M€ versés à la Guyane, Mayotte, la Martinique et la Réunion pour « faire face à la crise sanitaire et à l’arrivée de demandeurs d’asile particulièrement vulnérables ;
    • 33,64 M€ pour les 5 351 places du marché PRAHDA avec un coût journalier moyen de 17,25€/place.

Soit un total de 50 439 places HUDA hors Outre-Mer. L’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile représente donc davantage de places que le CADA, censé constituer le modèle pivot de l’hébergement des demandeurs d’asile. On constate de plus une sur-exécution du budget dédié à cet hébergement d’urgence, dû notamment au recours aux nuitées hôtelières, malgré le niveau insuffisant de l’accompagnement proposé dans ce cadre.

L’exécution totale du budget de l’hébergement s’élève à 710,81 M€, soit une très légère sous-exécution par rapport à la LFI (711,66 M€), la sur-exécution de l’hébergement d’urgence étant compensé par la sous-exécution des budgets CAES et CADA.

Le remboursement des surcoûts et des primes Covid ont été imputés à la ligne budgétaire « accueil et accompagnement social des demandeurs d’asile » et a représenté 10,58 M€ en crédits de paiement.

Malgré la baisse de la demande d’asile, seules 52% des personnes pouvant prétendre à un hébergement au sein du DNA ont pu y être accueillies. Ce chiffre illustre le manque de places d’hébergement et, au regard de la situation de sous-dimensionnement actuel, ainsi que de la forte probabilité d’une reprise de la demande d’asile à ses niveaux antérieurs, la FAS appelle à une programmation pluriannuelle de création de places de CADA. Elle souhaite par ailleurs que les places d’HUDA soient transformées en places de CADA, la distinction entre les deux modèles n’étant pas justifiée s’agissant de leurs missions et des caractéristiques des personnes accueillies, et que le recours aux nuitées hôtelières, qui ne permettent pas de garantir un accompagnement adapté, soit significativement restreint. De plus, la Fédération demande à ce que l’ensemble des prix de journée au sein du DNA soient revalorisés, afin de répondre à des besoins d’accompagnement important et qui tendent à croitre (par exemple s’agissant de la santé mentale ou de l’accès et la maitrise du numérique).

 

Les moyens dédiés au premier accueil doivent être augmentés de manière significative, afin en particulier de répondre à un des objectifs du plan Vulnérabilités publié au début de l’année 2021 qui vise une meilleure identification et une orientation plus efficace des personnes vulnérables.

La FAS continue à ce titre de regretter l’instauration d’un délai de carence dans l’accès à l’assurance maladie des demandeurs d’asile, qui n’a pas été suspendu pendant la crise sanitaire, bien qu’il ait des effets délétères sur la santé des personnes, l’accompagnement qui leur est proposé et la santé publique de manière globale.

 

De plus, l’orientation vers, au sein et depuis le DNA doit être améliorée, afin de mieux répondre aux besoins des personnes, et d’être plus efficace : malgré la mise en place d’un nouveau mécanisme d’orientation des personnes en demande d’asile (SNADAR) depuis janvier 2021, qui vise une répartition territoriale des demandeurs d’asile de l’Ile-de-France vers les autres régions métropolitaines (hors Hauts de France), et qui acte une gestion majoritairement déconcentrée des places du DNA par les directions territoriales de l’Ofii, on constate que de nombreuses places restent vacantes pendant des durées excessives.

L’articulation entre hébergement généraliste et DNA doit être améliorée et le principe de l’inconditionnalité de l’accueil au sein de l’hébergement généraliste doit être garanti : toute personne sortant du DNA sans solution doit pouvoir être hébergée au sein de l’hébergement généraliste, tout comme les personnes ne pouvant être accueillies au sein du DNA. Par ailleurs, il convient de s’interroger sur les conditions de retrait des conditions matérielles d’accueil, qui empêchent des personnes en demande d’asile d’accéder à un hébergement au sein du DNA et entraînent de fait un report sur l’hébergement généraliste.

 

Intégration

Le programme 104 consacré à l’intégration reste sous-exécuté, en partie pour compenser les dépenses non budgétées d’ADA et en partie en raison de la crise sanitaire qui a empêché l’organisation d’actions ou de formations.

Comme les années précédentes, le budget de l’action 11, qui finance principalement l’Ofii, a été ponctionné pour rallonger les crédits d’ADA (25,82 M€) : son exécution s’est élevée à 191 M€ contre 267 M€ prévus en LFI. Une partie des crédits (20,38 M€) a aussi été utilisée pour rembourser une dette européenne due à des corrections financières imposées par l’autorité de contrôle des fonds européens (CICC). L’Ofii s’est vu verser 174,9 M€ sur les 244,4 M€ d’euros prévus en LFI, cette baisse s’expliquant principalement par la baisse de l’activité relative aux formations civiques et linguistiques en particulier lors du premier confinement. La signature des contrats d’intégration républicaine et les entrées et le suivi des formations a en effet été interrompu avant de reprendre progressivement au cours de l’année 2020. S’agissant des dépenses d’intervention, 5,28 M€ ont été dépensées sur les 11 M€ prévus en LFI, la sous-exécution étant due principalement à la non-atteinte des objectifs d’aides au retour volontaire (4 519 ARV contre objectif de 8 000), malgré un dépassement s’agissant des aides à la réinsertion (1 289 contre objectif de 1 000).

L’action 12 finance principalement des appels à projets nationaux, régionaux ou départementaux destinés à l’intégration des personnes étrangères primo-arrivantes. Elle a été sous-exécutée (52 M€ contre 63 M€ prévus en LFI) principalement en raison de dépenses moins importantes que prévues s’agissant des formations de niveau A2/B1 ainsi que, dans une moindre mesure, les projets de partenariat avec les collectivités territoriales. Parmi les dépenses d’interventions, environ 37 M€ ont financé des projets qui se sont déclinés sur les thématiques suivantes : 54 % pour les actions d’accompagnement global et vers l’emploi, 37% pour les actions d’apprentissage linguistique et un co-financement (1,64 M€) pour le dispositif « Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants ».

Enfin, l’action 15 « Accompagnement des réfugiés » finance les CPH et des actions d’accompagnement en faveur des BPI. Elle a été entièrement exécutée en 2020, hors fonds de concours, à hauteur de 112,69 M€. L’action a bénéficié de transferts de crédits depuis d’autres actions.

  • 8 710 places de centres provisoires d’hébergement (CPH) sont financées à un coût journaliser moyen de 25 €/place, dont 66 places spécialisées dans l’accueil de femmes victimes de violences ou de traite des êtres humains (IDF et Nouvelle-Aquitaine) qui bénéficient d’un surcoût de 13€/jour/place.
  • Les actions d’accompagnement en faveur des BPI ont été financées à hauteur de 33,62 M€, soit une légère sur-exécution (31,65 M€ prévus en MFI). Ces crédits correspondent au financement d’une variété de mesure dont : la mise en œuvre de programmes d’intégration des BPI dans le cadre d’appels à projets locaux (6M€) et d’un appel à projet national (0,8 M€), des dispositifs d’accompagnement global des BPI avec hébergement et parcours d’accès renforcé à l’emploi type ACCELAIR (3,7M€), le dispositif d’accompagnement des BPI vers le logement pérenne porté par le GIP-HIS (3,1 M€) et la plateforme nationale pour le relogement des BPI (0,2 M€, le programme HOPË piloté par l’Afpa (2,2 M€), plusieurs centres d’hébergement pour les BPI hors CPH (8,3 M€) ou encore des actions mises en œuvre par la DIAIR telles que le programme de service civique Volont’R et le co-financement de contrats territoriaux pour l’intégration des BPI (5,4 M€). L’action 15 a aussi financé le remboursement de primes et surcoûts Covid dans les CPH et autres centres d’hébergement pour les BPI (1,4 M€).

Hors du programme 104, des actions d’intégration des personnes BPI sont aussi financées par le biais du programme d’investissement dans les compétences, via l’appel à projet « Intégration professionnelle des réfugiés ». 4 626 personnes sont entrées en formation via ce dispositif en 2020, la cible fixée à 4 500 a donc été atteinte.

La politique d’intégration ne doit pas être la variable d’ajustement permettant de faire face aux dépenses imprévues dans la programmation des crédits de l’asile, en particulier de l’ADA

Des mesures urgentes doivent être prises afin d’assurer le traitement des dossiers et demande de titre de séjour et l’accès aux préfectures, avec le maintien d’une possibilité d’accueil physique. En effet, les difficultés constatées dans la prise de rendez-vous en préfecture ont et continuent de provoquer des ruptures de droits extrêmement préjudiciables dans les parcours d’insertion des personnes. Des mesures de plus long terme, d’élargissement des conditions d’accès au droit au séjour, ainsi que de simplification dans l’accès aux droits nous semblent aussi indispensables.

La politique d’accès au logement des BPI doit s’inscrire dans le cadre de la politique globale du Logement d’abord, en favorisant un accès rapide et un maintien dans le logement. De plus, les formations délivrées dans le cadre du CIR doivent davantage s’articuler avec les parcours d’insertion des BPI, notamment s’agissant du suivi de formation ou de l’exercice d’une activité professionnelle. Enfin, une évaluation des projets développés dans le cadre du PIC Intégration professionnelle des réfugiés doit être réalisée afin d’en tirer les apprentissages utiles en termes d’innovation dans l’accompagnement à l’accès à l’emploi durable des personnes réfugiées.

 

[1] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b4195-a28_rapport-fond#

[2] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-04/NEB-2020-Immigration.pdf