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14 mai 2024

Présentation de la Nouvelle stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel

La Fédération des acteurs de la solidarité a participé, ce jeudi 2 mai, à la présentation de la nouvelle stratégie interministérielle de lutte contre le système prostitutionnel, en présence de la Ministre Aurore Bergé, chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, du Ministre de la santé Frédéric Valletoux et des représentants des ministères de l’intérieur et de la justice.

A cette occasion, la Ministre a réaffirmé la position abolitionniste de la France, et la poursuite des engagements préalablement pris lors de la loi 13 avril 2016, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes en situation de prostitution. Cette nouvelle stratégie interministérielle annoncée doit permettre de renforcer à la fois la loi existante, en harmonisant les pratiques, notamment des commissions départementales de lutte contre la prostitution (CDLP), pour garantir une application de la loi égale pour toutes et tous partout sur le territoire, et aussi proposer des mesures adaptées à l’évolution des pratiques prostitutionnelles, dites « 2.0 ».

La Fédération note l’intégration au sein de cette nouvelle stratégie, de l’ancien plan dédié à la lutte contre la prostitution des mineur.e.s, en intégrant un quatrième axe dédié à mieux  repérer, prévenir et protéger les mineur.e.s victimes de prostitution.

La stratégie se décline en 4 axes :

Le premier axe s’engage à renforcer l’application de la loi dans tous les territoires, en confiant aux CDLP, l’élaboration de stratégies départementales pluriannuelles, dont de nouvelles missions étendues aux mineurs.

Afin de garantir l’harmonisation des pratiques, les membres des commissions bénéficieront d’outils partagés, dont un guide rappelant les conditions et les modalités d’accès au parcours de sortie de la prostitution (PSP) et l’intégration d’indicateurs communs relatifs aux délais moyens de délivrance des APS lors de l’attribution d’un PSP, au sein de chacune des stratégies départementales de lutte contre le système prostitutionnel.

Le gouvernement annonce de nouvelles mesures pour lutter plus efficacement contre les proxénètes, en mettant en place des actions d’entrave à l’activité des « salons de massages », ou encore en veillant à l’application de l’article 46 de la loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, en retirant et/ou dégradant les titres de séjours des proxénètes, et en renforçant la mise en œuvre des sanctions pour l’achat d’actes sexuels.

Enfin, sur le volet social et sanitaire, l’Etat entend améliorer la protection, l’accueil et la prise en charge des personnes en situation de prostitution, notamment en facilitant la prévention et leurs accès aux soins et en intégrant au cahier des charges des Maisons de Santé des Femmes, une offre médicale dédiée. D’autre part, les associations agréées PSP par l’Etat seront mieux associées à l’élaboration des stratégies départementales de lutte contre la prostitution, et pourront développer au sein de leurs contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) leurs activités d’accompagnement dédiées, cependant aucun financement n’est pour le moment déterminé pour assurer cette prestation.

Concernant l’accès à un hébergement d’urgence, grand manquement de la précédente loi et mesure très attendue par les associations, la Fédération note l’engagement pris d’élargir le périmètre d’attribution des places dédiées aux femmes victimes de violences aux personnes en situation de prostitution[1]. Nous alertons cependant sur les conditions de mise en œuvre, au regard du manque de places d’hébergement dédiées et sécurisés pour ces publics, et de la priorisation des publics déjà l’œuvre faute de moyens et qui pour les femmes concernées dépendraient du niveau de danger de mort.

Le second axe porte pour objectif d’étendre et d’adapter la précédente loi aux nouvelles pratiques prostitutionnelles, en renforçant d’une part l’action des FSI dans le cyberespace en matière de lutte contre le système prostitutionnel, notamment par la création d’un groupe d’enquête pour améliorer les capacités de détection en ligne au sein de l’OCRETH, et d’autre part en renforçant la lutte contre la prostitution « logée » en conventionnant avec les plateformes d’hébergement, type Airbnb et les réseaux sociaux pour améliorer les modalités de prévention, de signalement et de réponses aux enquêtes.

La Fédération constate qu’aucune mesure dans l’axe 2 n’est annoncée sur la pérennisation des financements dédiés aux actions de « maraudes numériques » portées par les associations. Néanmoins, le gouvernement constate que la prostitution de rue ne concerne plus que 20 % des personnes en situation de prostitution. Le volet répressif ne saurait être l’unique réponse à apporter, et la Fédération va transmettre les actions déjà mises en œuvre dans les territoires qui mériteraient d’être renforcées.

Le troisième axe porte sur les nouvelles missions de ’observatoire des violences faites aux femmes de la MIPROF, afin d’améliorer la production de données caractérisant les phénomènes prostitutionnels et ainsi mieux objectiver leurs évolutions, et ainsi comme recommandé par les associations, d’adapter les politiques publiques dans les territoires et les moyens alloués aux besoins identifiés.

Dans le cadre des JOP, l’Etat annonce le lancement d’une campagne de sensibilisation et de prévention à destination du grand public réalisée grâce au travail mené en partenariat avec le Collectif de lutte contre la traite des êtres humains.

Enfin, le quatrième axe très attendu intègre des mesures dédiées à la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineur.e.s, dont le pilotage sera confié à Sarah El Haïry, Ministre déléguée chargée de l’enfance et de la jeunesse et son pilotage locale sera confiée aux CDLP. Les mesures annoncées sont ambitieuses, mais nous restons en attente des crédits qui seront délégués qui n’ont pas été communiqués lors de la présentation. Elles portent à la fois sur la formation des professionnel.le.s au contact des mineur.e.s pour améliorer le repérage, la prévention et un accompagnement spécialisé, la création de ressources et le déploiement de dispositifs de prévention en santé à destination des jeunes, le déploiement de campagnes de sensibilisation dédiées, ou encore sur le développement de la plateforme nationale d’écoute et de suivi.

Le financement des actions de prévention, d’accompagnement et de prise en charge par les associations et le développement d’un réseau national de lieux d’accueil et de prise en charge des mineur.e.s , seront financés via deux appels à projets sur trois ans à hauteur de trois millions par an chacun. Ces deux appels à projets ont déjà été validé sur les crédits du programme 304 pour 2024 et seront lancés prochainement.

Dans ce cadre, la Fédération souhaite alerter sur l’absence d’information portant sur la pérennisation des financements octroyés depuis deux ans aux projets financés dans le cadre du plan Taquet portés par nos adhérent.e.s et partenaires spécialisés, notamment les dispositifs innovants d’accueil et d’hébergement à destination des mineur.e.s victimes de prostitution.

Enfin, la Fédération constate qu’aucun moyen supplémentaire n’est octroyé pour permettre l’augmentation du nombre de PSP ni une revalorisation du montant de l’allocation financière (AFIS) demeurant à 342 euros par mois. Pourtant la circulaire du 13 avril 2022 relative à l’ouverture des droits dans le cadre du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, reconnaissait l’efficacité du dispositif PSP : « ainsi sur les 161 PSP terminés, 95 % des personnes sortent du parcours avec une formation, un emploi et un logement, à l’issue de la période des 24 mois prévue par les textes ». De même, aucune mesure n’est annoncée pour améliorer l’accompagnement vers et dans l’emploi des personnes souhaitant sortir de la prostitution.

La Fédération salue l’approche interministérielle de cette stratégie qui doit permettre d’avoir une approche globale des situations, les mesures plus spécifiques portant sur les mineur.es et la volonté d’harmoniser les pratiques des commissions. Cependant, elle s’interroge sur les moyens financiers supplémentaires accordés à cette stratégie dans un contexte budgétaire contraint.

[1] Une circulaire complémentaire à la circulaire interministérielle relative aux relations entre les services intégrés d’accueil et d’orientation et les associations spécialisées qui accompagnent les femmes victimes de violences du 12 avril 2013, sera prochainement promulguée.