21 novembre 2024
8 mars 2021
Tribune publiée le 2/03/21 dans Le Monde
La crise sanitaire risque de faire basculer des milliers de jeunes dans la grande précarité. Les mesures d’aide doivent s’inscrire dans la durée et ne laisser aucun jeune sans ressources monétaires, écrivent ces responsables d’organisations syndicales et associatives dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Notre jeunesse est diverse mais elle a désormais en commun d’être en grande fragilité. De plus en plus de jeunes apparaissent dans les distributions alimentaires des associations. De nombreux étudiants subissent la solitude, à laquelle s’ajoute la disparition des emplois qui leur permettaient d’améliorer leurs revenus. Pour les enfants des familles qui n’ont pas pu épargner pendant cette crise s’ouvre une perspective d’amplification de ces déterminismes sociaux qui font l’une des particularités les plus inacceptables de la pauvreté.
Nous nous inquiétons aussi pour les jeunes sans emploi ni formation qui sont déjà confrontés à la pauvreté ou, étant à la limite, vont s’y trouver poussés si rien n’est fait. Ce sont des dizaines de milliers de jeunes qui peuvent basculer dans la grande précarité, voire dans la rue. Ce qu’ils vivent nous préoccupe de longue date.
Avant cette crise, plus de 10 % des jeunes étaient sans emploi, sans études, sans formation. Les taux de chômage et de pauvreté des jeunes atteignaient déjà plus de 20 % (selon l’Insee). Pour ces jeunes-là, et pour toutes celles et ceux qui risquent de les rejoindre avec cette crise, il y a urgence.
Un accompagnement dans la durée
D’importantes mesures ont été prises pour les jeunes par le gouvernement. La prise en charge du chômage partiel a permis à nombre de familles de continuer à les aider. Des mesures plus ciblées ont été les bienvenues, comme les aides en faveur des bénéficiaires de l’aide personnalisée au logement (APL) ou l’ensemble des soutiens du plan « 1 jeune, 1 solution ».
« L’extension du RSA aux moins de 25 ans est l’option la plus simple. Elle aurait le mérite de ne pas ajouter un nouveau dispositif à tous ceux qui existent déjà »
Mais cela ne suffit pas, ne suffit plus. La pauvreté des jeunes est ancienne et cette crise va produire des effets durables. Les soutiens doivent donc être présents, non pas de manière ponctuelle mais dans la durée, pour offrir une solution adaptée à chaque situation. De nombreuses solutions ont été évoquées dans le débat public. Nous n’avons pour notre part d’autre religion que celle de l’efficacité pour accompagner les jeunes dans la construction et la réalisation de leurs choix.
L’extension du revenu de solidarité active (RSA) aux moins de 25 ans est l’option la plus simple. Elle aurait le mérite de ne pas ajouter un nouveau dispositif à tous ceux qui existent déjà. L’accès effectif aux droits sociaux est d’ailleurs l’un des enjeux, avec le relèvement des minima. Il serait en tout état de cause paradoxal de prendre appui sur les insuffisances du RSA pour récuser son extension aux jeunes. L’accompagnement des allocataires du RSA est insuffisant et il convient précisément que les pouvoirs publics fassent le nécessaire pour y remédier.
Quoi qu’il en soit, nous soutiendrons toute démarche qui permette d’aboutir rapidement à ce dont les jeunes ont besoin : un droit à un accompagnement, avec un soutien monétaire sous conditions de ressources correspondant au montant du RSA, pour construire leur avenir.
Si telle est la vocation d’une « garantie jeunes », évoquée par Elisabeth Borne, la ministre du travail, qui deviendrait alors pleinement universelle, nous sommes prêts à y contribuer. La Garantie jeunes, étendue à la demande de la CFDT à la suite de la conférence sociale de 2014, fonctionne bien. Elle permet l’accompagnement d’un nombre croissant de jeunes vers l’emploi. Le gouvernement a d’ores et déjà annoncé un doublement, à 200 000, des parcours à ce titre. Il faut cependant aller plus loin pour offrir à chaque jeune qui en a besoin un véritable droit à cet accompagnement vers l’autonomie.
Diagnostic personnalisé
Chaque jeune en difficulté de 16 à 30 ans devrait ainsi pouvoir y accéder, sans contingentement. Les jeunes en difficulté qui ne sont aujourd’hui pas identifiés par les missions locales, précieux piliers de ce dispositif, doivent pouvoir être accompagnés dans cette démarche. Les travailleurs sociaux qui les connaissent bien doivent pouvoir y contribuer, au titre de conventions entre les missions locales et les associations.
Par ailleurs, la durée de l’accompagnement, actuellement limitée à un an, n’est pas adaptée à tous les jeunes et notamment à celles et ceux qui sont les plus en difficulté d’insertion. La durée de la prise en charge doit être étendue pour celles et ceux qui en ont besoin, le temps nécessaire.
Enfin, le contenu doit être adapté à la diversité des jeunes, de leurs difficultés et de leurs parcours. Il doit s’agir d’un accompagnement global s’appuyant sur un diagnostic de la situation sociale, professionnelle et financière personnelle. Quelle que soit son appellation, nous disposerons ainsi de la garantie d’un accompagnement global et personnalisé, ne laissant aucun jeune sans ressources monétaires, d’un droit pour chaque jeune à construire son propre avenir en ces temps si périlleux.
Laurent Berger est secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ; Pascal Brice est président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) ; Paul Mayaux est président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE).
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