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29 août 2024

Tribune UNICEF/FAS – « Zéro enfant à la rue » : un échec national

A quelques jours de la rentrée scolaire, dans la nuit du 19 au 20 août, au moins 2 040 enfants – dont 467 de moins de trois ans – sont restés sans solution d’hébergement à la suite de la demande de leur famille au 115, faute de places disponibles ou adaptées pour les accueillir. Ce chiffre a augmenté de 120% par rapport à 2020. Et ces statistiques, déjà accablantes, ne révèlent pas toute l’ampleur du problème. Le taux de non-recours au 115 est estimé à près de 69%[1] et les mineurs non-accompagnés sans abri et les familles vivant dans des squats ou des bidonvilles ne sont pas comptabilisés.

Dysfonctionnements et échecs politiques

Pour la sixième fois, nous publions ce baromètre « Enfants à la rue » et une fois de plus, nous dénonçons l’inadéquation et l’insuffisance des politiques publiques face à ce drame persistant. Les gouvernements successifs ont échoué à répondre aux dysfonctionnements des politiques publiques de l’aide à l’enfance, de la santé mentale, de la prise en charge des femmes victimes de violences, du logement ou de la politique migratoire qui poussent des familles à la rue, sans compter le niveau des salaires de tant de travailleurs pauvres. Pire, ils ont souvent fait le choix de mener des politiques délétères : loi dite « anti-squat », mesures prises à l’encontre des bailleurs sociaux, baisse des APL… allant à l’encontre de nos préconisations et entraînant des reculs notables dans la lutte contre l’exclusion et le sans-abrisme. Nous voulons croire que le funeste projet de loi « relatif au développement de l’offre de logements abordables » qui menace la loi SRU et le logement social est définitivement abandonné. Aujourd’hui, la production et les attributions de logements sociaux sont dramatiquement insuffisantes pour répondre à la demande croissante. Les expulsions locatives se multiplient et le parc d’hébergement est saturé. De plus, la reprise de l’activité touristique et l’accueil des Jeux Olympiques exercent une pression supplémentaire sur ces structures déjà surchargées. Cette situation conduit à un tri des vulnérabilités, contraire au principe d’inconditionnalité de l’accueil qui guide et encadre juridiquement l’action associative, et ne garantit même plus la protection de femmes enceintes ou de familles avec des enfants de moins de trois ans.

Orphelins de droits

Depuis l’engagement du « zéro enfant à la rue » en 2022, le nombre d’enfants de moins de 3 ans sans hébergement a augmenté de plus de 27%. La petite enfance est pourtant reconnue comme étant une période charnière, au cours de laquelle l’environnement de l’enfant et ses expériences vécues exercent une influence déterminante pour son avenir. Dire que l’hôtel – une réalité pour 28 659 enfants – et la rue ne constituent pas des environnements propices pour ces étapes de vie décisives est une évidence. Si cela est vrai pour les tout-petits, cela l’est tout autant pour les autres enfants. Leur développement affectif et social, leur parcours scolaire et leur santé physique et mentale sont mis à rude épreuve par les privations quotidiennes de la vie sans toit. Confrontés à la grande pauvreté, leurs droits fondamentaux, tels que le droit à l’éducation, à la santé, au logement, et à une vie familiale stable, sont systématiquement bafoués.

Changement de cap

Lutter contre le sans-abrisme est avant tout une question de volonté politique durable. Le coût de l’inaction est bien plus élevé. Des solutions existent. Alors que s’ouvre une nouvelle législature dans un contexte incertain pour la lutte contre la pauvreté, nous exhortons le gouvernement et les parlementaires à assumer leurs responsabilités et à faire de la lutte contre cette injustice une priorité nationale. Les enfants, bien que trop souvent oubliés lors de la campagne législative, doivent désormais être placés au cœur de nos politiques publiques. Ils sont le baromètre de la qualité et de l’efficacité des décisions politiques. Leurs choix doivent être orientés vers le futur que nous voulons pour eux. À cet effet, nous demandons une augmentation immédiate du nombre de places d’hébergement et la mise en œuvre d’une politique pluriannuelle de l’hébergement et du logement, avec des moyens suffisants pour répondre durablement aux causes du sans-abrisme et à la crise du logement.

Ces mesures doivent être mises en œuvre sans délai pour garantir à tous les enfants, quels qu’ils soient, d’être logés dans des conditions dignes, adaptées à leurs besoins et conformes à leur intérêt supérieur. Nous ne pouvons plus tolérer qu’un seul d’entre eux dorme à la rue. Si la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France, nous y engage, c’est avant tout notre humanité qui nous y oblige.

Signataires :

  • Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France
  • Pascal Brice, président de la FAS

[1] Nuit de la solidarité Paris, édition 2024

 

Retrouvez la tribune sur le site du journal Le Monde