MAAA’elles – Phase 2 : Ouverture de l’appel à mobilisation !

Le projet MAAA’elles, Mission d’Accompagnement et d’Accueil – Addiction pour elles, clôturé en 2023, a confirmé le besoin d’améliorer la prise en charge et en soin des femmes en situation de précarité et d’addiction, encore sous-représentées au sein des accueils de jour, en s’appuyant sur leurs besoins spécifiques. Il a également souligné le rôle central des accueils de jour tout en mettant en lumière la nécessité d’impliquer davantage les maraudes professionnelles pour une meilleure considération et accompagnement de ce public.

Fortes des enseignements tirés de ce projet, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) et la Fédération Addiction (FA) ont ainsi décidé d’amplifier leur action à l’intention des femmes en situation de précarité présentant des conduites addictives. Une phase 2 du projet MAAA’elles, soutenue par le Fonds de Lutte Contre les Addictions (FLCA), qui ambitionne d’accompagner 4 nouveaux accueils de jour et d’inclure 4 maraudes professionnelles à ce projet, sera lancée à la fin de l’année 2024.

Les études portant sur le genre et celles portant sur les usages des publics féminins démontrent la nécessité d’une prise en compte adaptée de leurs problématiques complexes, et ce, d’autant plus lorsque les femmes vivent dans un contexte de précarité aigüe. Le faible nombre d’entre elles fréquentant les dispositifs de la veille sociale a amené la FAS et la FA, partenaires depuis 2011, à conduire un projet visant à outiller les accueils de jour pour une meilleure considération et prise en charge de ce public, en lien étroit avec les structures spécialisées de l’addictologie.

Soutenu par le Fonds de Lutte Contre les Addictions (FLCA), le projet MAAA’elles s’est ainsi déployé au sein de 6 accueils de jour adhérents de la FAS, entre les années 2021 et 2023, à partir d’une approche tridimensionnelle axée sur le genre, la précarité et l’addiction.

L’accompagnement opéré par la FAS et la FA a agi à plusieurs endroits :

  1. La formation et l’outillage des équipes professionnelles sur les conduites addictives, leur lien avec la santé mentale et la prise en charge des femmes victimes de violences ;
  2. Le soutien et l’accompagnement à la mise en œuvre de partenariats avec les structures du secteur de l’addictologie pour des démarches d’intervention commune et efficiente, facilitant l’accès aux soins des femmes en situation d’addiction ;
  3. Le déploiement d’actions en direction des femmes présentant des addictions et fréquentant les accueils de jour avec pour objectif de les inscrire progressivement dans une démarche de RDR et de les ramener vers le soin – en respectant leur temporalité et leurs besoins individuels.

Au terme de ce projet, nous avons constaté une évolution significative dans la réflexion des professionnel.le.s sur les questions de genre et addiction. Celle-ci initie un changement des représentations et des pratiques, plus inclusives. Les 40 professionnel.le.s qui ont bénéficié des temps de formations et sensibilisations déployées ont dit avoir « cheminé » sur les questions d’addictions relatives au public féminin, être monté.e.s en compétences et connaissances, leur permettant d’ajuster leurs pratiques et postures professionnelles. Cela leur a également permis de se sentir plus légitimes dans leurs interventions et leurs approches. Les femmes concernées, par le biais d’entretiens qualitatifs menés en introduction, durant le déploiement et à l’issue du projet, ont pu souligner une évolution dans le regard qui leur est porté, les amenant à se sentir plus en confiance et en sécurité au sein de ces lieux nécessaires à la création de lien et socle de tout accompagnement. 30 femmes ont enfin pu être orientées vers et dans une prise en charge en addictologie.

MAAA’elles a donc mis en lumière les besoins des femmes en situation de précarité et d’addiction, malheureusement encore trop invisibilisées, au regard des discriminations et stigmatisations qu’elles subissent. Si le tabou autour de l’addiction au féminin perdure, cette première étape a participé à une prise de conscience, nécessaire à toute évolution.

A cet effet, la FAS et la FA ont souhaité amplifier leur action auprès de ce public.

Cette amplification s’ouvre à 4 nouveaux accueils de jour, structures toujours aussi pertinentes et en demande compte tenu de leur place centrale dans l’accompagnement des personnes les plus éloignées de tous les dispositifs d’accompagnement.

Elle s’adresse aussi aux maraudes que la FAS et la FA souhaitent accompagner dans leur approche du sujet des addictions, sous le prisme du genre. Il semble en effet nécessaire que ces dispositifs bénéficient de clés pour mieux appréhender les situations qu’elles rencontrent régulièrement et mieux identifier les partenaires spécialisés du secteur de l’addictologie. Constatant le faible nombre de femmes fréquentant les lieux d’accueil, qui plus est lorsque ceux-ci sont mixtes, il a semblé pertinent de développer l’aller vers en travaillant une posture qui leur soit adaptée et qui considère leurs spécificités et leur temporalité. De fait, les femmes consommatrices de substances addictives sont particulièrement éloignées des dispositifs de la veille sociale et il faut souvent du temps, de nombreuses rencontres pour que se crée un lien de confiance étayant la relation et favorisant le recours aux dispositifs d’aide.

Inclure les maraudes dans le projet est ainsi apparu évident et 4 d’entre elles seront impliquées.

MAAA’elles – phase 2 proposera un accompagnement de proximité de 18 mois aux structures participantes, dans la continuité et la complémentarité de la phase 1, menée entre 2021 et 2023.

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« Mon corps ne vous appartient pas »

Depuis l’été dernier, le Pôle Asile de l’association Trajet à Rezé accueille de plus en plus de femmes dites « isolées ». Si le parcours d’exil de ces femmes les a conduites à une certaine forme d’isolement, elles transportent avec elles leur histoire, leurs liens familiaux et amicaux, leurs savoirs, de précieuses ressources et une grande résilience. Isolées mais pas seules, isolées avec des droits.

 

Le contexte social général tend à renforcer la vulnérabilité et l’invisibilisation de toutes les personnes en demande d’asile. Néanmoins, la peine est plus lourde pour les femmes et minorités de genre, cibles de violences particulières liées à leur genre. Bérangère BELAUD et Andréa MARTIN sont travailleuses sociales sur le Pôle Asile de l’association Trajet et nous rapportent leur effroi face à des témoignages toujours plus terribles, plus emprunts de violences : « On observe une gradation qu’on ne pensait pouvoir atteindre ».

 

Souvent causes du départ, ces violences se perpétuent tout au long du parcours migratoire et à l’arrivée en France. Dans l’attente d’une orientation en hébergement adapté, beaucoup d’entre elles voient leur corps objectifié, marchandisé, à la rue ou chez des tiers. Et lorsque leur demande d’asile est rejetée, ces femmes sont à nouveau jetées en pâture : « On les accueille, les accompagne, les soutient dans leur demande d’asile. On partage ces moments de douleur. Tout ça pour les voir arriver face à un mur dès que la procédure se termine car elles ne sont pas reconnues dans ces souffrances, dans ces parcours. On doit à notre tour être violent.es, leur dire qu’elles n’ont plus le droit d’être ici et qu’elles doivent quitter leur lieu d’hébergement ».

Animée par la colère face à l’absence de reconnaissance de ces parcours, l’équipe du Pôle Asile a souhaité agir en faveur du rétablissement de l’estime de soi, de la réparation. Elle a créé un espace collectif, en non-mixité choisie, dédié à l’expression et au partage : « Il fallait qu’elles sachent qu’elles ne sont pas seules ».

Ateliers bien-être, soins du corps, partage d’expériences, les femmes ont répondu à l’appel de ces premiers temps privilégiés : « On a senti qu’il y avait quelque chose à saisir, une envie germait ».

 

Le vote de la loi Asile et immigration est venu donner un nouveau coup de massue en ce qu’il nie de l’histoire, de la légitimité et de la capacité des personnes concernées à se raconter.

A la veille du 8 mars, Journée internationale pour la lutte des droits des femmes, les deux professionnelles ont donc décidé de se saisir de la dynamique initiée par ces ateliers pour proposer un nouveau format dédié à la connaissance et l’appropriation de ces droits.

 

Après une première séance en non-mixité, les femmes ont unanimement choisi de convier les hommes à marcher à leurs côtés, lors de la mobilisation intersyndicale du vendredi 8 mars à Nantes. Une semaine avant la marche, toutes et tous se sont réuni.es pour créer des pancartes qui leur ressemblent, qui portent une partie d’elles et eux.

Adar, Alpha, Ayoub, Clarisse, Edwige, Fatime, Fizuli, Habdallah Jos et Ibrahima écrivent : « Mon corps ne vous appartient pas », « Non à l’excision », « Non au mariage forcé », « Eduquez vos fils « , « Khalass ! »[1] ; des messages forts  pour sortir de la honte, se réapproprier son corps et sa voix.

L’occupation de l’espace public par la marche est un symbole particulièrement fort quand on sait la réalité du sans-abrisme chez les personnes exilées, quel que soit leur statut administratif. Être visible, scander sa réalité, c’est reprendre sa légitimité à exister et à se projeter.

À l’heure où la pratique du travail social est fortement mise à l’épreuve, ces temps privilégiés viennent rendre du sens à la démarche d’accompagnement des professionnel.les et leur juste place aux personnes concernées.

L’occasion de rappeler que depuis le 16 janvier 2024, la Cour de Justice de l’Union européenne reconnaît que la violence à l’encontre des femmes, fondée sur le genre, est une forme de persécution pouvant donner lieu en tant que telle à une protection. Il appartient désormais aux administrations et institutions de faire reconnaître ce droit à la protection et de le décliner à travers tous les domaines des politiques publiques. Nous espérons notamment que le Schéma régional d’accueil des demandeur.euses d’asile et réfugié.es saura prendre la juste mesure de ces enjeux essentiels.

 

[1] « Assez, ça suffit ! » en langue arabe.

 

Retrouvez le plaidoyer FAS « Santé des femmes en situation de précarité »